Courtoisie

Zigzaguer entre les avalanches : Le ski hors-piste selon Edith Viens

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

« Tous les sports d’hiver nous attirent beaucoup », souligne d’emblée Edith Viens, cofondatrice des Vieilles Po et co-autrice d’Avalanche à Zigzag : L’art de skier en zone hors-piste. Que ce soit du fatbike, de la raquette, du patin, du ski de fond, « jouer dehors, on adore », ajoute-t-elle. Mais pour Edith, le ski hors-piste est une véritable passion où se mêlent aventure, dépassement de soi et liberté dans la neige. Portrait d’une skieuse qui évite les remonte-pente.

Se dépenser

Edith raconte comment, avec Katia Leblanc, elle a découvert le ski hors-piste. « On avait toutes les deux des enfants dans une équipe de compétition de ski alpin. On accompagnait nos enfants tous les week-ends. Dans les Laurentides, on a de super belles montagnes. Mais quand, année après année, tu refais toujours les mêmes quelques pistes… On avait besoin de diversifier ce qu’on faisait », raconte-t-elle.

Après une journée en particulier, elle trouve qu’elle ne s’est pas assez dépensée, ayant attendu beaucoup au remonte-pente. « Je n’avais pas assez bouger. C’est comme ça qu’on a commencé le ski backcountry. On trouvait que ça répondait plus à nos besoins : bouger, explorer de nouvelles places, de nouvelles descentes. En plus, tu as le plaisir de la glisse à la fin, comme récompense. »

Ainsi, le ski hors-piste permet de combiner l’effort de grimper soi-même des sommets, l’aventure de découvrir des terrains autrement inaccessibles, et le plaisir d’être le premier à laisser sa trace dans la neige lors de la descente. « Comme tous les skieurs le savent, skier dans la poudreuse, c’est magique. Mais ça peut se pratiquer même sans poudreuse », indique Edith.

Loin des remonte-pente

Courtoisie

Je demande à Edith de me raconter quelques-unes de ses expéditions les plus mémorables. Elle prend un moment pour interroger sa mémoire. « J’ai fait plusieurs voyages de ski : dans l’Ouest, en Europe, au Japon… Il y aurait tellement d’histoires. »

Enfin, elle commence par la Gaspésie. « On a un chalet à Murdochville. En partant de la maison, les skis dans les pieds, on peut rejoindre six sommets différents sans jamais enlever nos skis. On fait le tour du village. C’est environ 20 km de randonnée, avec plus de 2 000 m d’ascension dans la journée, mais avec de superbes descentes. C’est de toute beauté là-bas, dans les Chic-Chocs », raconte-t-elle.

Chaque année, elle a aussi le « privilège » d’être invitée dans un groupe de skieurs qui se réunit pour des voyages. Elle est ainsi allée quelques fois dans l’Ouest canadien, dont dans les Kootenays en Colombie-Britannique. « On ne skie pas en station. On est souvent héliportés dans un chalet où on n’a plus de contact avec le reste du monde pendant une semaine. Il n’y a aucun remonte-pente à des kilomètres à la ronde », précise-t-elle. Ils apportent donc leur propre nourriture.

Le groupe est aussi accompagné de guides. « Les risques, ils sont toujours présents. Mais dès que tu es en zone éloignée, il faut augmenter de vigilance », explique Edith. Les guides servent donc à établir les conditions de la neige et les risques d’avalanche, par exemple. Chaque skieur a aussi tout l’équipement nécessaire en cas de besoin : pelle, balise, trousse de premiers soins, etc. « Chaque fois qu’on y retourne, la première journée est consacrée à réviser notre formation. »

Avec ces précautions, les expéditions sont « toujours ultra sécuritaires », assure Edith. Elles représentent tout de même un défi de taille, qui demande de l’endurance et de la résilience. Mais ces efforts sont récompensés par des descentes inoubliables dans la poudreuse. « Plus il y a d’épreuves dans nos aventures, plus ça soude des liens. Il y a aussi le plaisir de se retrouver après au chalet. Tout le monde est autour du feu, avec de la bonne bouffe, à se raconter les histoires de la journée. […] Ça fait des super beaux voyages. On se dépasse. On donne tout ce qu’on a. »

Les Vieilles Po

Avec Katia Leblanc et Chantal Brunet, Edith Viens a fondé en 2016 le premier groupe de filles de ski hors-piste au Québec : Les Vieilles Po. « Katia trouvait que, sur les réseaux sociaux, plusieurs groupes étaient adressés à un public plus jeune que nous. Elle voulait partir un blogue pour les femmes qui avaient des activités comme nous, mais qui sont occupées par le travail et les enfants », se souvient Edith.

Cette première idée est devenue un groupe de ski hors-piste. Les filles voulaient reproduire une initiative d’Espresso Sports, qui faisait des sorties hebdomadaires de vélo de montagne « à la bonne franquette ». « On voulait faire quelque chose d’accessible et de gratuit. Quelques jours avant, on se dit qu’on se rejoint à tel endroit. Et tu arrives avec ton équipement », raconte Edith.

Mais les organisatrices réalisent rapidement que peu de gens ont de l’équipement. « Le ski hors-piste n’était pas aussi démocratisé que maintenant. » Elles créent donc des partenariats, dont avec Espresso Sports et Atmosphère, pour créer des sorties d’initiation.

Avec les Sommets, elles créent aussi des réseaux à Olympia et Morin Heights pour grimper la montagne puis descendre dans les pistes. « Certains réseaux portent nos noms. Ç’a été des belles surprises que nous ont faites les Sommets », souligne la skieuse.

Ce qui a commencé comme un groupe Facebook est devenu un organisme à but non lucratif (OBNL). « Ç’a fini par nous prendre beaucoup de temps. On aimait ça, mais c’était fait 100 % bénévolement. On avait de plus en plus d’adeptes et de demandes de stations de ski », indique Edith. Ainsi, les trois fondatrices se sont retrouvées « essoufflées ». « On a décidé de juste garder ouvertes les pages Facebook et Instagram. D’autres groupes ont vu le jour et ont repris le flambeau. »

Abécédaire du ski

Extrait d’Avalanche à Zigzag. Courtoisie

Edith et Katia viennent de publier un livre, Avalanche à Zigzag : L’art de skier en zone hors-piste. « Quand on a créé les Vieilles Po, il y avait souvent les mêmes questions qui revenaient. Qu’est-ce qu’on met dans le sac à dos ? Katia a eu l’idée : pourquoi on n’écrit pas un livre, pour consigner cette information-là ? Mais je ne sentais pas que j’avais l’expérience pour ça. Ça ne me dérangeait pas d’initier des femmes au ski hors-piste et de les amener avec nous. Mais écrire un livre, ça faisait un peu imposteur », confie Edith.

Le projet a donc évolué et changé « à maintes reprises » au fil de discussions. Un livre de surf, sport auquel s’adonnent aussi les deux filles, a également servi d’inspiration. Finalement, c’est devenu un abécédaire humoristique. Pour chaque lettre de l’alphabet, Edith a écrit un court texte qui joue avec cette lettre, créant des allitérations et des jeux de mots. Vient ensuite un dessin de Katia qui illustre le texte avec humour.

À travers les pages, la passion des deux filles pour l’hiver, la neige et l’aventure est contagieuse. Le plaisir de se lever tôt, pour être les premières à skier dans la poudreuse, les péripéties inhérentes à ces expéditions, et le réconfort de l’après-ski y sont tous partagés avec enthousiasme. « Chaque flocon est une raison de sourire. On a encore des âmes d’enfant », souligne Edith.


À mettre à l’agenda

Edith Viens et Katia Leblanc seront à la librairie L’Arlequin de Saint-Sauveur, le 13 décembre de 13 h à 15 h, pour dédicacer des exemplaires d’Avalanche et Zigzag et jaser.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *