(Photo : Courtoisie)
Les élèves de CapCafé vont porter les repas préparés au Café Fougère à Saint-Jérôme.

CapCafé : La classe des possibles

Par Marie-Catherine Goudreau

Lundi matin à l’école secondaire Cap-Jeunesse à Saint-Jérôme. Les élèves sont tous bien assis à leur poste, prêts et enjoués à entamer leur travail qu’ils font chaque début de semaine chez CapCafé.

9 h 45 : et hop ! La machine part. Au boulot.

Jules est à l’ordinateur. Il prend en note les commandes des enseignants et des employés de l’école. La première commande : café latte glacé avec du lait avoine et deux cuillères de sirop d’érable pour Mme Arsenault.

À la première station, Simon et Deryk s’occupent du sucre. Ils reçoivent la commande sur un papier et mettent la bonne quantité dans une tasse réutilisable.

Simon trouve ça long. C’est pourquoi on l’a placé à cette station : ce n’est pas celle qui bouge le plus, explique Pascale Coulombe, enseignante en adaptation scolaire. « On travaille sa capacité à attendre des délais. […] Il travaille sur lui-même sans s’en rendre compte. Ça y va naturellement parce qu’il a un rôle de stagiaire, de travailleur. »

« Commande prête ! »

La tasse se dirige vers la station du lait. Lait de vache, d’avoine ou soya ? Chaud ou froid ? Megan et Natalie s’occupent de mesurer la bonne quantité et de la mettre dans la tasse.

Puis William et Haroutyun ajoutent le café et le tour est joué.

Lorsque le café est prêt, Émilie ou Isaïah l’amène au local de la personne inscrite sur la feuille, puis la font signer. Les enseignants sont souriants à les voir arriver dans leur classe pour leur apporter cette petite tasse de bonheur.

Une initiative en expansion 

Le CapCafé vise à aider des jeunes de l’école secondaire Cap-Jeunesse présentant une déficience intellectuelle ou ayant un trouble du spectre de l’autisme à intégrer le marché du travail. C’est une initiative de Pascale Coulombe et Jessica Bélisle qui a vu le jour en 2021.

C’est un concept tout simple, mais qui fait une grande différence dans la vie de ces jeunes. Il leur permet de développer leurs compétences professionnelles.

Soigner son apparence, anticiper les choses, garder sa concentration pour être efficace : développer ces compétences prend du temps pour ces jeunes. « On travaille tout ça au CapCafé et ça peut être transposé dans leur stage », rapporte Pascale.

Cette année, ce projet a pris une autre trajectoire. Désormais, les élèves préparent aussi des repas qu’ils vont distribuer au Café Fougère, un café communautaire et artistique à Saint-Jérôme.

Lisez notre article : Des élèves baristas pour mieux s’intégrer

Un rôle valorisant dans sa communauté

Ainsi, un peu plus loin sur le même étage, deux autres classes en adaptation scolaire préparent une soupe aux carottes. Demain, ils iront la porter au Café Fougère, « le café des possibles ».

« Ah oui, Manon, où on va prendre un chocolat chaud ! », se réjouit Elena, une des élèves, en apprenant qu’elle ira porter la soupe demain au café.

Alors que CapCafé reste entre les murs de l’école, les enseignantes et les techniciennes en éducation spécialisées (TES) souhaitaient « miser sur des liens avec la communauté ». C’est ainsi qu’elles ont développé un volet traiteur avec les trois classes en adaptation scolaire.

Sur un des comptoirs, deux jeunes s’amusent en coupant les carottes. Un autre brasse le mélange alors qu’Elena ajoute de l’eau.

Faire ces tâches permet pour certains de travailler leur motricité. En leur apportant du soutien, ils développent ces compétences et éventuellement, ils pourront couper une carotte tout seuls.

« Les élèves aiment ça et sont super contents. Ils sont valorisés et sentent qu’ils participent à un projet qui est plus grand que l’école. Ça leur permet de vivre des réussites pas seulement dans les murs de l’école, mais aussi dans la communauté. C’est un travail qui est valorisé », explique Stéphanie Duval, enseignante en adaptation scolaire.

Développer ses compétences professionnelles

La mission de Cap Café est de « développer chez les élèves des habiletés sociales et professionnelles, en adoptant un rôle qui est valorisé et valorisant », soutient Pascale. À travers CapCafé, les élèves travaillent sur leur plan d’intervention sans nécessairement s’en rendre compte.

« Ça aide à l’autodétermination. Parfois, on les laisse aller et ils vont faire des petites gaffes. Ça les aide à s’affirmer, à développer de nouvelles compétences, à s’exprimer aussi », souligne Myriam Cardinal, également enseignante en adaptation scolaire.

L’objectif est que ces périodes de classes « représentent le plus possible un contexte de travail que les élèves pourraient vivre à l’extérieur de l’école », ajoute Pascale. « On veut qu’ils se mobilisent pour développer des habiletés qui vont leur permettre d’intégrer socialement le marché du travail ou différents organismes autour. »

À la fin de leur période de « stage », Jessica Bélisle, TES, revient sur les points forts ou faibles des élèves durant CapCafé. « Est-ce que tu as été poli avec tes collègues ? Est-ce qu’il y a eu de l’entraide ? Oui, c’était très beau aujourd’hui. C’est un A pour tout le monde », dit-elle aux élèves. Parmi les autres compétences, on note l’apparence propre, la ponctualité, l’autonomie ou l’efficacité.

Les obstacles au travail 

L’intégration au marché du travail est difficile pour les jeunes présentant une déficience intellectuelle ou ayant un trouble du spectre de l’autisme. À 21 ans, ils quittent l’école secondaire et sont laissés à eux-mêmes, explique Pascale Coulombe.

La transition vers la vie active est très difficile pour eux, si bien que c’est une des grandes préoccupations de l’enseignante.

« Les listes d’attente sont très longues. C’est difficile de mobiliser les agents externes – et je parle beaucoup du CISSS des Laurentides. Souvent, ils changent d’intervenants et ne connaissent pas bien la personne finissante. »

« Le changement d’intervenants, c’est un obstacle. Le fait qu’on intervienne seulement s’il y a une situation problématique aussi. C’est un travail qui doit se faire en amont et qui demande beaucoup d’efforts, surtout de la part des parents. »

Il devient très difficile de trouver un stage en fonction des intérêts de la personne, rapporte Pascale, lorsque celle-ci sort du secondaire. « On va prendre les milieux qui ont déjà une ouverture, sans se fier au potentiel de l’élève. »

Pour la suite, Pascale et les autres enseignantes voient encore plus grand.

Elles imaginent un café-traiteur qui engagent des jeunes adultes et les aident à intégrer le marché du travail, un environnement qui mise sur leurs besoins et leurs capacités, une coopérative où participent aussi les gens de la communauté.

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