Louis Lalande: Une vie de théâtre
Pendant 30 étés de suite, Louis Lalande a joué avec les plus grands noms du théâtre. Il a diverti et fait rire des salles pleines à Val-Morin, à Sainte-Adèle et ailleurs au Québec. Portrait d’un acteur et metteur en scène bien de chez nous.
M. Lalande vient aux bureaux du Journal pour l’entrevue. À 78 ans, il habite toujours Saint-Sauveur, la région où il a joué durant l’essentiel de sa carrière. Plus tôt, il m’a remis un album de ses plus beaux souvenirs. J’y retrouve des photos de lui sur scène, aux côtés de Louise Deschâtelets, Jean Duceppe, Béatrice Picard, France Castel, Denise Pelletier, et tant d’autres.
La première photo date de 1963 pour la pièce Le Don d’Adèle, jouée à Ottawa où il a commencé sa carrière. Il pointe l’une des actrices, Nicole Émond. « C’est ma cousine. C’est elle qui m’a donné le goût du théâtre », confie-t-il avec affection.
À Sun Valley
C’est à l’été 1971 que Louis Lalande joue pour la première fois au théâtre Sun Valley de Val-Morin. Fondé en 1953 par Jacques Normand, le théâtre était, en soi, un décor exceptionnel, se souvient l’acteur. « C’était une vieille grange, qui avait beaucoup de charme. »
À l’époque, c’est le réputé Henri Norbert qui dirige le théâtre, mais… « Je trouvais que c’était bien mal organisé, son théâtre à Norbert. J’avais travaillé chez Marjolaine Hébert, dans les Cantons-de-l’Est. Je la voyais travailler comme une déchaînée, mais ça marchait. Alors j’ai dit à M. Norbert : « Si vous voulez, je vais essayer d’aller chercher des groupes pour remplir la salle. » »
À l’été 1972, après avoir travaillé toute l’année pour trouver du public, M. Lalande joue devant des salles pleines. M. Norbert est ravi, et veut garder le jeune acteur. M. Lalande accepte. « Tant qu’il y aura un rôle pour moi, je vais continuer », lui promet-il. Il devient directeur adjoint.
Mais en 1982, le théâtre doit fermer. C’est que, le 31 décembre 1979, un incendie dans une salle à Chapais, dans le Nord-du-Québec, fait 48 victimes et amène le gouvernement à revoir ses normes de sécurité, raconte M. Lalande. « À la suite du feu de Chapais, toutes les granges étaient examinées. » Malheureusement, le théâtre Sun Valley ne passe pas le test. Encore aujourd’hui, l’acteur parle de cet épisode avec amertume et incompréhension. « Pourtant, il y avait des portes partout pour sortir. »
Entracte
L’été suivant, on lui propose une salle à Sorel. « Mais ça n’a pas marché du tout. J’ai perdu beaucoup de sous. » Puis Georges Carrère lui offre un rôle dans son théâtre à Trois-Rivières. « À la fin de la saison qui n’avait pas marché, ça m’a aidé. Ça m’a donné des ailes! »
Il revient ensuite dans les Pays-d’en-Haut, où il joue trois étés au Manoir du lac Lucerne, à Sainte-Marguerite, que le propriétaire du Chantecler vient d’acheter. Comme producteur, M. Lalande monte une pièce avec Rose Ouellette, mieux connue comme la Poune. C’est un succès. « Je dois beaucoup à Mme Ouellette et à M. Carrère. »
Au Chantecler
Impressionné, le propriétaire lui propose de venir jouer au Chantecler. La salle est dispendieuse, confie M. Lalande, mais le public est là et l’endroit, merveilleux. Il y restera 13 étés, de 1988 jusqu’à sa retraite, en 2000.
« J’ai monté des pièces avec beaucoup de personnages, jusqu’à sept, ce qui était beaucoup pour une salle de 200 places », raconte le comédien. « J’ai eu des plaisirs fous! » Les formules souper-théâtre ou coucher-théâtre assurent des salles toujours pleines.
« Dans le temps, les restaurateurs m’appelaient. « M. Lalande, vous commencez quelle date, cette année? » Il fallait qu’ils soient prêts, parce que les gens allaient manger partout! », raconte-il. À la fin de la saison, il recevait souvent des invitations à manger. « Il faut absolument que vous veniez! Grâce à vous, on a fait un été exceptionnel », imite-il. « Le théâtre, ça attirait du monde [dans la région]. »
Les pièces qu’il monte ont des textes intelligents, amusants et subtils, et il n’a pas de difficulté à trouver des comédiens de talent pour jouer avec lui. « Je n’ai jamais monté du gros théâtre, à une réplique un rire. Ce n’était pas mon genre. Plutôt des pièces délicates, disons. Jamais des drames. »
Il s’essaie même avec des pièces plus risquées, comme La Menteuse, jouée avec Diane Lavallée en 1989. « Est-ce que ça va être accepté par le public? », demande-t-il. Il n’est pas sûr si le dialogue, très fin et subtil, sera apprécié. « Les billets ne se vendaient pas. Mais on a eu une critique dans La Presse. Et là, ç’a commencé à fonctionner. C’est la première fois que je me suis dit qu’une critique, c’est vraiment important. » Il croit, surtout, que le succès de la pièce doit beaucoup au talent de Mme Lavallée. « C’était une excellente menteuse », lance-t-il, sourire en coin.
Rideau
Durant toute notre entrevue, M. Lalande me parle avec passion des comédiennes et des comédiens avec qui il a eu la chance de jouer. « J’ai travaillé avec des gens extraordinaires. Je les aime tous. »
De sa longue carrière, il semble n’avoir que des bons souvenirs. Seule exception : sa dernière saison. Un conflit avec l’un des acteurs ainsi qu’une charge de travail trop lourde lui causent même de s’évanouir sur scène. « C’est là que j’ai arrêté. Je me suis dit que jouer, produire et faire la mise en scène, c’était trop. C’était énorme. »
L’été 2000 sera son dernier. Après 30 ans sur les planches, Louis Lalande tire sa révérence.
Le 13 décembre 2018, le jour de ses 75 ans, il épouse son conjoint de longue date, Jean-Marc Gagnon. En 2021, ils célébraient 50 ans de vie commune.