ACCES À CANNES

Par jacqueline-brodie

Les femmes s’affichent

Précisons d’entrée de jeu qu’elles ne font pas dans la dentelle, ces créatrices qui ont gagné la première manche du grand jeu Festival: la compétition.

Sleeping Beauty premier long métrage de l’Australienne Julia Leigh, ouvrait la marche. Étrange et fascinante création . Lucy, étudiante, beauté fraîche et pulpeuse a recours, pour payer ses études, à divers emplois. Sans complexe, elle drague ici et là. Un jour, une offre très lucrative se présente. La proposition est particulière. Elle l’accepte. Et voici notre jeune beauté livrée, préalablement endormie par une bourgeoise proxénète aux fantasmes d’une clientèle de vieux messieurs fortunés aux portes de la mort. Eros et Thanatos!… Morbide! Œuvre énigmatique, esthétiquement séduisante mais dont on a peine à saisir le fil conducteur. 

Passant du sexe à la famille, plongée dans un bouillon de haine avec We Need to Talk About Kevin – (tiré du roman de Lionel Shriver) – de l’Écossaise Lynne Ramsay. Un film magistralement défendu par ses acteurs Tilda Swinton, John C. Reilly et le jeune Ezra Miller. Pourtant c’est à bout de souffle qu’on émerge de ce drame, tragédie d’une mère qui n’a pas su aimer son fils. Sans doute n’était-elle pas douée pour la maternité pour laquelle elle a dû abandonner sa profession. Le petit être qu’elle a mis au monde ne lui pardonnera pas. Manipulateur, machiavélique, il deviendra son bourreau et fera de sa vie un enfer. Enfer dont il sera lui aussi prisonnier. Puissant mais infiniment éprouvant.

Avec Polisse, de la réalisatrice française Maiwenn (Le bal des actrices), nous sommes encore loin de la vie en rose. Bienvenue dans le quotidien de la Brigade de protection des Mineurs. S’il est constamment question de sexe dans ce morceau de bravoure, c’est plutôt de sévices dont il s’agit. Avec le film, nous partageons la vie de ces femmes et de ces hommes dont la profession est de protéger les enfants de la sauvagerie des adultes prédateurs. 

Fiction parfaitement documentée, jamais documentaire dans sa facture, Polisse réussit ce tour de force de nous mettre de plain-pied avec cette Brigade, nous associant à sa lutte de tous les instant spour sauver les jeunes victimes mais aussi à la camaraderie du groupe, à ses conflits internes et, parallèlement, nous permet d’être témoins de la vie privée des individus qui le composent. Émouvant, puissant et bien maîtrisé, le film est déjà sur la liste des favoris.

Par la grâce de Woody Allen, nouvel abonné à l’ouverture du Festival, nous avions pourtant débuté en légèreté avec son «Midnight In Paris» (Minuit à Paris) présenté hors compétition . Mise en bouche exquise concoctée par cet Américain d’exception qui nous a ménagés des rencontres inusitées. Dans son Paris, ville de nuit, de pluie et de mirages, nous retrouvons sa galerie personnelle de personnages légendaires: faune de l’âge d’or de la Ville-lumière apparaissant par magie chaque soir après minuit sur le parcours d’un carrosse à moteur. Les écrivains Hemingway, Fitzgerald, les peintres Dali et Degas hantent tour à tour les rendez-vous de minuit. Mirage du passé, richesse d’une culture. Romantisme et humour sont au rendez-vous. Avec critique sociale sous-jacente, notre auteur ne se privant pas de lancer ici et là quelques flèches assassines sur une certaine société américaine du présent. Un pur plaisir.

Parlant de grâce, arrêt obligé chez Nanni Moretti (Palme d’Or 2001 pour La Chambre du fils), le réalisateur, acteur, producteur italien qui nous a offert ce cadeau aussi spectaculaire que jouissif, Habemus Papam. Cette fable au parfum de sainteté, traitée comme un suspense nous entraîne au cœur du Vatican. Un pape est mort. Le Conclave se doit de lui trouver un successeur. Nous voici donc parmi les cardinaux rassemblés pour le vote secret. Craintes, espoirs, chacun réagit. Il faudra un second tour pour que cette très particulière élection aboutisse. Enfin le pape est nommé. Grand soulagement au Conclave. Des millions de catholiques attendent qu’on le présente au balcon. Problème. Le pape se sent incapable d’assumer la lourde tâche. Pas de balcon. Moretti parvient à nous tenir en haleine, 2 heures durant sur un sujet à priori aussi austère. Mensonges, manipulations, luxe infini, rituels somptueux, le spectacle est visuellement somptueux. Traité en comédie, jamais irrespectueux, rempli d’humour, empreint de tendresse, avec un Michel Piccoli si vrai, si convaincant qu’il donnerait la foi à un athée, le film est un vrai bonheur. Il est rumeur ici d’un prix d’interprétation pour le grand acteur français de 85 ans.

Bonne nouvelle côté Canada/Québec: beaucoup d’activités dans la promotion du court métrage très présent ici. Téléfilm Canada et la SODEC, nos institutions ayant pignon sur rue au Village International (Marché) du Festival ont initié des programmes bien ciblés destinés à mettre en valeur les courts métrages et leurs auteurs. Rappelons que le film Ce n’est rien du Québécois Nicolas Roy est en lice pour la Palme d’Or du court métrage.

A suivre…

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