CINÉMA – Les (très) bons sentiments

Par stephane-desjardins

The Pursuit of Happyness

J’essaie toujours d’aller au cinéma la tête vide. Pour laisser la chance au coureur. Ça marche quelquefois. Surtout quand je suis crevé ou stressé. Mais pas cette- fois-ci. J’allais donc relativement à reculons, prévoyant qu’on me livrerait l’American Dream et les beaux sentiments sous forme de concentré de guimauve fondue moralisatrice. Et je me suis trompé. Car The Pursuit of Happyness (La poursuite du bonheur) est, finalement, un bon film. Qui s’apprécie pour ce qu’il est: une fable certes moralisatrice, mais livrée avec habileté et une certaine dose de subtilité (ce qui est rare dans ce genre de film hollywoodien).

En fait, certaines scènes du film sont carrément surprenantes et, surtout, saisissantes. Il y a tout un discours social sur le phénomène de la réussite vu par les Américains: lorsqu’on voit le personnage principal et son fils faire la queue pour obtenir une place dans un refuge, et que cette queue s’étire sur plus d’un pâté de maisons, on est en droit de se poser des questions sur le genre de société et les idéaux qui animent nos voisins du sud.

L’Amérique est une terre d’opportunités. Soit. Et la poursuite du bonheur est inscrite dans la constitution (comme le rappelle le personnage principal, en voix off, qui narre les étapes difficiles de sa vie). Mais ceux qui se plaignent des parasites de notre système à nous, qui se sont fait un mode de vie avec l’aide sociale, devraient y réfléchir à deux fois: j’aime mieux que nos pauvres disposent d’un tel filet de sécurité que de les laisser courir les refuges dans une vie de mendicité sans fin.

Cela dit, comme l’illustre le personnage de la femme de Chris Gardner, Lynda (Thandie Newman), si vous êtes au bas de l’échelle aux États-Unis, il s’agit d’un statut carrément indécent comparé aux privilégiés de la société. Vous allez me dire que ce fait n’est pas nouveau. Mais aux États-Unis, il est exacerbé (et c’est encore pire depuis les années 1980, où se déroule le film).

Revenons à l’œuvre de Gabriele Muccino, voulez-vous? Elle s’inspire d’une histoire vraie, celle de Chris Gardner, un habitant de San Francisco qui trimait dur pour joindre les deux bouts. À peine marié, il s’est lancé dans la vente de scanners médicaux portatifs. Une affaire beaucoup moins lucrative qu’espérée. Il en tire donc un inégal et maigre revenu. Et sa femme, qui travaille à la buanderie d’un hôpital (si je me souviens bien), peine à boucler le budget familial. Gardner doit un tas de fric à l’impôt et empile les contraventions dans le coffre à gants de sa voiture.

Cette situation difficile va s’empirer. Gardner (Will Smith) finira par être plaqué par sa femme, perdra son appartement, sa voiture et sa dignité. Mais il conservera son fils Christopher (Jaden Smith, le véritable fils du Will), ce qui n’arrangera pas les choses. Les deux mèneront une vie de galère. Ils vivront au motel, dans des refuges, dans les chiottes du métro.

Malgré tout, Gardner réussit à obtenir le poste de stagiaire non rémunéré dans une firme de courtage en valeurs mobilières. Il doit se battre pour apprendre son métier et obtenir un poste convoité par une vingtaine de recrues.

Le gars ne se laissera pas abattre, malgré toutes les tuiles (et elles seront nombreuses) qui s’abattent sur son chemin. Le réalisateur offre donc ce parcours du combattant en évitant de tomber dans le pathos. C’est tout de même un exploit. Car, avec un tel sujet, la ligne est fine entre le cucul et le drame humain livré avec adresse et sensibilité. On s’en doute, Gardner remportera son furieux pari. Mais non sans casse. Aujourd’hui, c’est un multimillionnaire. Mais beaucoup se seraient découragés pour moins d’efforts.

Le film nous convie donc à une leçon d’humilité face à nos propres petits bobos existentiels. Et aussi à une certaine critique sociale. Car il n’y a pas que l’American Dream, où toute personne de bonne volonté peut réussir à force d’imagination et d’acharnement. Il reste que la société américaine est érigée sur l’inégalité, même si cette inégalité est le ferment de la volonté de vaincre individuelle. Le film illustre indirectement (inconsciemment?) cette réalité.

En terminant, j’aimerais souligner la performance de Will Smith, brillante. Ce gars-là peut affirmer haut et fort qu’il est véritable acteur. Avec The Pursuit of Happyness, personne ne pourra désormais lui contester ce titre.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *