Cinéma : Réparer l’injustice de l’affaire silicose
Par Rédaction
Par Joëlle Currat
Avec son film 1948 – L’affaire silicose, L’histoire d’une injustice, le cinéaste Bruno Carrière revient sur la tragédie qui a touché les mineurs de Saint-Rémi-d’Amherst atteints de silicose. À voir en présentation spéciale le 22 février au Cinéma Pine de Sainte-Adèle.
En 1948, le journaliste Burton LeDoux révélait dans la revue Relations les ravages de la première tragédie industrielle du Québec : l’affaire silicose. Son reportage, repris par les médias de l’époque, a eu l’effet d’une bombe. La population découvre alors qu’une mine toxique a décimé un village des Laurentides. À l’époque, on compte 46 victimes, mais leur nombre serait plus important. Il y a eu tant de décès qu’on a surnommé Saint-Rémi « le village des veuves ».
Le cinéaste Bruno Carrière a scénarisé, produit et réalisé le film 1948 – L’affaire silicose pour qu’on se souvienne de cette tragédie et pour rendre hommage aux victimes, surtout aux femmes qui ont survécu à ce drame. Les épouses des mineurs décédés à la suite d’une maladie appelée la silicose se sont relevées et ont assuré la survie de la petite municipalité de Saint-Rémi située dans le canton d’Amherst, dans les environs de Mont-Tremblant.
Une maladie incurable
La silicose est une maladie engendrée par une trop grande inhalation de poussière de silice. Elle attaque les poumons et se traduit par une réduction progressive et irréversible de la capacité respiratoire. On peut la comparer à l’amiantose qui, elle, est une fibrose pulmonaire causée par l’inhalation prolongée de fibres d’amiante.
Le film ou plutôt le docufiction, puisqu’il y a des reconstitutions de scènes de l’époque jouées par des habitants du village, relate les événements et expose les conditions de travail qui ont conduit des mineurs de Saint-Rémi à souffrir de cette maladie.
À quels éléments le sous-titre « l’histoire d’une injustice » fait-il référence ? « Les dirigeants de la compagnie, le gouvernement Duplessis et le clergé se sont entendus pour étouffer l’affaire, indique Bruno Carrière. En plus, aucune des familles des victimes n’a été indemnisée. À cette époque, les travailleurs souffrant d’une maladie due à leur emploi devaient remplir des conditions extrêmement difficiles, voire impossibles, pour recevoir du soutien. Le lobby des compagnies minières était tellement puissant que les lois gouvernementales étaient modelées dans leur intérêt. »
Une situation qui perdure
Cette tragédie datant de plusieurs décennies nous fait immanquablement penser à la situation impliquant la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda, où le taux d’arsenic dans l’air dépasse de beaucoup les normes du ministère de l’Environnement. « Les propriétaires de la compagnie Glencore arrivent à obtenir toutes les dérogations du ministère de l’Environnement du Québec, indique le cinéaste. Les règlements ne sont pas respectés. »
Est-ce qu’on doit en conclure que l’absence de conscience sociale et morale de l’époque de la part des compagnies minières perdure aujourd’hui ? « La population est toutefois mieux organisée qu’autrefois. En Abitibi, par exemple, il y a de nombreux comités de citoyens qui se sont mobilisés, qui interpellent le gouvernement et qui ont même attaqué en justice les contrevenants, en plus de se faire entendre dans les médias. Dans les années 40, les mineurs étaient tellement pauvres et démunis qu’ils n’avaient pas les moyens de se défendre. Ils étaient considérés comme des denrées jetables. »
Une présentation spéciale
En hommage aux victimes et aux survivants de la tragédie, une projection est organisée au Cinéma Pine de Sainte-Adèle, le 22 février à 16 h 15. L’événement comprend la diffusion du documentaire 1948 – L’affaire silicose, l’histoire d’une injustice, ainsi que de deux films liés au même thème : Les coulisses du tournage du film et La tragédie de la mine de Saint-Rémi-d’Amherst selon Jean-Paul Thomas. Ce court documentaire présente le témoignage de l’un des derniers travailleurs vivants de cet épisode marquant.
Ces présentations seront agrémentées par les explications et commentaires du réalisateur et producteur Bruno Carrière, en présence du maire de Saint-Rémi-d’Amherst, M. Jean-Guy Galipeau, de l’autrice Ginette Levesque dont des membres de sa famille sont décédés de la silicose, et de M. Jean-Paul Thomas lui-même, aujourd’hui âgé de 94 ans. Le journaliste Réjean Gaudreau assurera l’animation de cet événement à titre de maître de cérémonie.
Soulignons que le documentaire de M. Carrière a remporté, en novembre dernier à Toronto, le Prix du meilleur film canadien lors de sa participation au Canadian Labour International Film Festival. Il a également été sélectionné dans d’autres festivals à l’étranger comme le British Documentary Film Festival.
À mettre à l’agenda
Quoi : 1948 – L’affaire silicose, L’histoire d’une injustice, un film de Bruno Carrière
Où : Cinéma Pine de Sainte-Adèle
Quand : 22 février à 16 h 15