Cloverfield

Par stephane-desjardins

Saisissant

J’allais voir ce film avec le sourire. J’en suis ressorti toujours en souriant. Pas d’attentes. Pas de préjugés. Le cerveau switché à off. Et c’est ce que vous devriez faire. Car Cloverfield est ce genre de film qui vous fait complètement perdre le sens de la réalité.

Le film de Matt Reeves, dont l’adroite commercialisation fut menée comme une intrigue de la série Lost par JJ Abrams, co-producteur, se veut un croisement entre Blair Wiitch Project et Godzilla.. Le tout se déroulant à Manhattan, transformée en théâtre de guerre. Imaginez ce que les habitants de Beyrouth ont dû vivre dans les années 1980, alors que la ville était pilonnée de toutes parts par les factions en guerre. Les immeubles et gratte-ciels déchiquetés par les obus… C’est exactement ce que nous montre, avec une adresse certaine, le réalisateur, dans un film à la facture originale mais dont l’intrigue est on ne peut plus classique. Comme dans tous les films de catastrophes, on met la table de façon banale: une fête pour célébrer le départ au Japon d’un jeune cadre ambitieux. Un tas de jeunes gens branchés, tous plus beaux et riches les uns que les autres. De banales intrigues amoureuses. Puis, c’est l’apocalypse.

Le monstre fait irruption dans la vie des new-yorkais et détruit tout sur son passage. Il a même des rejetons qui n’ont rien à envier aux gentilles bibittes de la franchise «Aliens». Même l’armée américaine peine à en venir à bout. On envisage les grands moyens. C’est l’évacuation. Les foules sur les ponts: ça vous rappelle quelque chose?

Toujours ce procédé narratif classique: un petit groupe de «héros», investi d’une mission qui leur permettra de briller par leur courage et leur ténacité, malgré des obstacles infranchissables, réussissent à sauver la belle jeune fille. On montre les monstres par flashes, au début, pour exacerber la tension dramatique. Mais on multiplie les actes de destruction, avec moult effets sonores et visuels. Buildings qui s’effondrent, tête de la statue de la Liberté projetée au milieu de l’avenue où le party des jeunes se déroule, voitures qui virevoltent, tanks, militaires qui tirent sans se gêner avec toutes les armes à leur disposition, etc.

Nos héros feront le bien, évidemment. Non sans souffrance. Toujours cette rédemption, si importante dans l’imaginaire hollywoodien.
Évidemment, les habituelles invraisemblances foisonnent. Qui aurait réellement l’idée de filmer sans interruption la fin du monde, au mépris de sa propre sécurité? Qui n’aurait pas pris les jambes à son cou lorsque le nuage de poussière, rappelant celui de l’écroulement des tours, un certain 11 septembre, aurait envahi la rue?

Et cette fameuse caméra: j’en veux une! Elle a une pile incroyable: le gars filme toute une nuit et elle dure encore. Je soupçonne le monstre du film d’être, en fait, le petit lapin de Duracell. D’autant plus qu’elle survit à un crash d’hélico et qu’elle s’allume tout seul juste après…

Et pour ceux qui ont le mal de mer facile, abstenez-vous d’aller voir ce film. Ou bien, assoyez-vous tout au fond de la salle. Pour recréer l’impression qu’un cinéaste amateur tourne cette sympathique supercherie, la caméra bouge sans cesse.

Mais, outre cet inconfort, le principal (ou le seul) atout de Cloverfield réside dans le fait que nous sommes plongés au cœur de l’action. Comme les journalistes de guerre. Le monstre est tout autour de nous. On fuit avec les gens terrorisés. On se retrouve parmi les militaires. New York a des airs de fin du monde. C’est très efficace.

La grande déception est cette vision d’horreur finale, dans Central Park. Le réalisateur choisit de nous montrer la bête dans son intégralité. Erreur: elle est grotesque. Les flashes, bien plus terrifiants, auraient suffi. Mais bon, Cloverfield est un divertissement. On le prend tel quel et on l’oublie au bout de quelques jours. Comme une visite aux montagnes russes.

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