Court, Cluzet, court!
Ne le dis à personne
Partagé, je l’étais à la sortie du dernier film de Guillaume Canet, **Ne le dis à personne**, qui offre manifestement un thriller à l’américaine. Un genre que le cinéma français pratique peu.
Il a fallu que je dorme avant de me faire une tête sur ce film qui se veut, avant tout, un bon spectacle. Vite consommé, vite oublié. Je ne dis pas que le film est mauvais. Mais il relève d’abord du divertissement. Il faut donc le prendre comme tel : un spectacle.
Je vais tout de suite aborder ce qui m’a déplu. On pourra ensuite passer à autre chose.
Ce qui m’a le plus agacé, ce sont ces personnages plus grands que nature. Ils sont tellement typés que, parfois, ça frise la caricature. Comme ce méchant garçon, membre de la petite pègre locale, qui ferait n’importe quoi pour son pote médecin, parce qu’il a simplement soigné son fils. Y compris tuer. La mauvaise fille qui torture: elle a un visage de camée. Jean Rochefort, en grand seigneur qui tire les ficelles. Impossible de ne pas lui donner pareil rôle, allez-vous me dire…
Et ce personnage d’Alexandre, un médecin joué par François Cluzet, qui voit tous ces gens tomber autour de lui. Tous ces morts. Un médecin. Ça ne tourne pas rond. Il a beau aimer éperdument sa femme, il a beau connaître les pires injustices, voir un médecin brandir un revolver à bout portant, ça ne colle pas.
Et d’entendre ce flic dire: «Ne tirez pas!» lorsque Alexandre, qui a toutes les polices de France à ses trousses, sort d’une maison, flingue au poing. C’est cliché comme ça se peut pas…
De plus, ils sont nombreux, dont Alexandre, un médecin, à fumer comme des cheminées. Ça m’énââârve. Fumer, ça fait loser au max.Pourquoi les cinéastes s’entêtent-ils à montrer le geste de fumer comme un comportement cool? Pourquoi essaient-ils de rendre leurs héros sympathiques en les faisant fumer. Parce qu’ils ont des contradictions? Il y a 20 ans, ils buvaient (comme le personnage d’André Dussolier). Maintenant que l’alcool est en défaveur, on s’est tourné vers la cigarette. Travolta est cool. Il fume. Dans 10, 15 ans, les gens cool au cinéma vont prendre de l’extasy? Ils vont faire de l’échangisme? Peut pas être cool et être NORMAL?
Bon, je dépompe. Ce film a tout de même des qualités. Dont celle, capitale pour un thriller, de brouiller les pistes et de maintenir la tension. Une des plus belles séquences, c’est lorsque le médecin tente d’échapper aux policiers. À la course. Une course désespérée. Qui le mène sur le périph, cette autoroute hallucinante qui cercle Paris. Spectaculaire.
Tout le monde semble porter aux nues la performance de Marie-Josée Croze. Bon, elle est assez bonne, mais rien pour faire péter les plombs. Il faut dire que son rôle, assez limité, ne lui offrait guère de chance de faire valoir son talent. Outre le fait qu’il est assez agréable de la voir flambant nue, je lui donne 7,5 sur 10. Ça va? Le vrai bonheur vient du jeu de François Cluzet, qui explore la palette de toutes les émotions. Son personnage est incapable de se détacher de cette femme qu’il a aimée et qui fut assassinée il y a huit ans. Or, lorsqu’un courriel avec un petit film la montrant à la bouche d’une station de métro apparaît à son ordi, sa vie bascule. Le réalisateur multiplie alors gros plans et séquences filmées avec la caméra à l’épaule. On est ainsi tout près du personnage et de ses émotions. Cluzet est alors rien de moins que formidable.
Il est assez fascinant de voir les personnages secondaires évoluer autour de lui, dont les rôles ont été confiés à de grosses pointures: Kristin Scott-Thomas, André Dussolier, François Berléand, Jean Rochefort et Nathalie Baye. Ils sont tous très justes. Certaines scènes avec Scott-Thomas et baye se dégustent avec un plaisir évident.
**Ne le dis à personne** n’a pas su me convaincre. Mais il m’a diverti. C’est déjà beaucoup.