De l’importance des origines
CINÉMA – Congorama
Décidément, même si l’automne est pluvieux, il y a beaucoup de soleil sur les écrans de cinéma! Car la saison aligne les bons films. Prenez **Congorama**, de Philippe Falardeau. Voilà le type de film qui témoigne de l’évolution de notre cinématographie vers une certaine maturité. **Congorama **est un film habile et captivant. Une très bonne histoire qui joue sur l’identité et, aussi, sur la distance entre les individus de deux pays différents, qui est essentiellement sociale et culturelle.
Congorama raconte donc la vie de deux hommes qui seront confrontés, malgré eux, à leurs origines. Le film s’ouvre en Belgique avec les tentatives de Michel (Olivier Gourmet) de régler un questionnement existentiel et un problème professionnel. Michel est un ingénieur dans la quarantaine dont le laboratoire de recherche est déficitaire. Son patron le somme de trouver des clients pour un bidule de déglaçage des lignes à haute tension. Au même moment, Michel est confronté, par son propre père (Jean-Pierre Cassel, qui ne dit pas un mot dans ce film mais exprime bien des choses…), à un secret qui le bouleverse profondément: il fut adopté d’une famille de Québécois alors qu’il n’était qu’un bébé.
Notre homme part derechef pour le Québec. Il tentera de vendre son invention aux gens de la compagnie d’électricité nationale. Mais il fera surtout un saut à Sainte-Cécile, le petit village où il serait né, pour en connaître un peu plus sur ses origines.
Cette portion du film dure plus de vingt minutes. De longues minutes où on se demande où le réalisateur veut en venir. Et c’est là que tient une partie de la force de ce récit : dans une deuxième partie, Falardeau nous offre cette fois le point de vue de Louis Legros (Paul Ahmarani), qui est confronté à son propre père disparu alors qu’il n’était qu’un enfant.
C’est que les gens de la compagnie d’électricité nationale (Hydro Québec, en termes à peine voilés) ont visité le jeune géologue pour savoir s’il n’avait pas les plans d’une invention géniale à laquelle travaillait autrefois son papa, avant qu’il ne disparaisse dans la nature. Il s’agit d’une voiture électrique dont le moteur se situe dans chaque roue.
Ça ne vous rappelle pas quelque chose? Je ne connais pas les rapports entre Falardeau et Pierre Couture, le chercheur dont Hydro Québec avait financé les travaux d’un moteur roue avant de mettre fin à cette aventure qui avait coûté plusieurs millions de dollars. Mais on dirait que le réalisateur cherche à prendre sa revanche sur Hydro, au nom du chercheur. Car Couture ne s’était jamais rendu à l’étape de la commercialisation de son invention, qui avait fait peur en haut lieu, tant à Québec qu’à la direction de la société d’État. Couture ambitionnait de créer une nouvelle révolution automobile avec cette invention qualifiée de révolutionnaire dans bien des milieux.
Le cinéaste joue donc sur cette corde et parvient habilement à faire le lien entre le Québec et la Belgique, grâce à l’exposition universelle de 1967 à Montréal. Le papa de Michel y avait rencontré une jeune Québécoise. On connaît la suite… Le réalisateur fait aussi un autre lien avec la Belgique, qui a eu, à Bruxelles, sa propre exposition universelle dans les années 50. Une des attractions les plus populaires s’intitulait Congorama.
On est finalement pris par cette quête existentielle des deux gars, qui sont aux prises, malgré eux, avec le passé de leur famille. Et qui détermine leur identité. Cette quête, menée en parallèle, rapprochera plus qu’on le croit les deux personnages dans une série de hasards trop surprenants pour être vrais. Mais amenés intelligemment et avec un certain sens du drame. On se laisse facilement prendre au jeu. D’autant plus que tous ces gens sont très attachants et, souvent, émouvants.
Congorama est une bonne histoire, un film solide et juste assez léger pour constituer un excellent divertissement.