Ensemble, c’est tout
Une séance de bain flottant, une bonne descente à skis, une poffe de substance illicite connue, un bon souper entre amis bien arrosé, une séance de méditation et de prière intensive…
Certains ont besoin d’explosions nucléaires, d’autres des muscles d’acier. Plusieurs ne peuvent passer l’été sans sortir leurs Kleenex dans une salle de cinéma. Et il y a ceux qui ne jurent que par les paysages de cartes postales, les belles gueules ou du sexe torride. Mais certains films, sans recourir à tous ces artifices, font beaucoup de bien à l’âme. On les appelle des «feel good movies». On en sort transformés. Ils nous font l’effet d’une séance de bain flottant, d’une bonne descente à skis, d’une poffe de substance illicite connue, d’un bon souper entre amis bien arrosé ou même d’une séance de méditation et de prière intensive. Ensemble, c’est tout, de Claude Berri, est de ceux-là.
Fortement inspiré d’un best seller d’Anna Gavalda, le film raconte sur un ton léger une histoire assez grave. Celle de personnes marquées par leur solitude et la lutte pour la survie.
Le personnage principal, Camille (Audrey Tautou) tire le diable par la queue. Elle habite une chambre de bonne dans les combles d’un immeuble anonyme de Paris et fait le ménage d’édifices à bureaux pour payer ses factures. Elle grelotte dans son appartement mal (ou pas?) chauffé. Mais sa plus grande souffrance vient de la relation avec sa mère, une femme chiante et désabusée, qui la rabaisse constamment, et de l’absence de son père, un doux rêveur décédé depuis plusieurs années. Une situation qui l’affecte au point qu’elle en est devenue anorexique.
Puis Philibert (Laurent Stocker), fils d’une famille de nobles déchus qui habite un immense appartement bourgeois, situé dans le même immeuble que celui de Camille. Philibert, qui vit d’un petit boulot de vendeur de cartes postales, n’arrive pas à s’imposer dans la vie. C’est un homme cultivé, érudit, mais bègue. Il a surtout une éducation tout droit tirée de l’époque des Lumières et il est d’une gentillesse et d’une générosité surprenantes.
Philibert s’est trouvé un coloc en la personne de Frank (Guillaume Canet), un cuisinier désabusé de sa condition. Il aime son travail, mais il bosse des heures de fou et est incapable de trouver le grand amour. Il compense en picolant, en baisant des filles légères et… en s’occupant de sa grand-mère, le seul être cher qui lui reste sur cette planète. Cette dernière, Paulette (Françoise Bertin) en est rendue au grand soir de sa vie. Une mauvaise chute force le petit-fils à «placer» mamie. Ce qui, évidemment, affecte la santé mentale de cette dernière.
Les circonstances finiront par mettre tous ces gens dans le même bateau. De cette bizarre de famille reconstituée naîtront des moments de pur bonheur, de grandes déceptions, des engueulades et des réconciliations toutes plus sympathiques les unes que les autres.
Il est en effet fascinant de voir ces gens se dépêtrer avec leur condition d’orphelins ou de quasi-orphelins. Des personnages qui n’ont pratiquement rien à offrir sur le plan social, mais dont la beauté intérieure séduit. Leurs interactions et la façon dont ils affrontent un destin qui ne les grandit certes pas, mènera vers ce que l’humanité a de mieux à offrir: une certaine solidarité dans la condition humaine, une volonté d’entraide, une générosité envers son prochain.
Je le dis comme ça, mais le film de Berri surfe sur ces valeurs sans jamais tomber dans la mièvrerie ou les bons sentiments. Il ne fait qu’exposer les attitudes et les faits. Il montre des comédiens magnifiques, qui incarnent des personnages qui ont tous une force de caractère hors du commun. Mais aussi leurs faiblesses et quelques profondes cicatrices.
Ce conte humaniste ne tombe jamais dans l’excès et montre une réalité très proche de nous. Mais, les multiples rebondissements et quiproquos maintiennent le rythme et entretiennent un certain suspense: que va-t-il finalement advenir de ces quatre personnages? La fin est aussi savoureuse que l’ensemble. Un des meilleurs films de l’année, à ce jour…熄