(Photo : Courtoisie)

Florent Vollant marche contre le vent

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

« Florent te raconte sa vie en allant marcher avec lui », dit Justin Kingsley pour décrire Ninanimishken : Je marche contre le vent, la biographie du chanteur innu Florent Vollant qu’il cosigne. « Ç’a été une collaboration créative. Le fil, c’est Florent. Moi, j’ai été l’aiguille et les ciseaux », explique Justin.

Florent Vollant est un auteur, compositeur et interprète d’origine innue. Kashtin, le duo qu’il forme avec Claude McKenzie, est le premier groupe autochtone à obtenir une renommée internationale.

Justin a construit sa biographie autour de trois axes : le pensionnat, où Florent passe son enfance à partir de 5 ans; la prison, où il se retrouve après avoir vandalisé une voiture de police à 18 ans; et l’hôpital, où il atterrit après un AVC à 61 ans. « Ce sont trois évènements d’arrêt dans la vie d’un nomade. Ils ont eu un impact important sur comment Florent a décidé d’inventer sa vie », illustre Justin.

Raconter en marchant

Florent Vollant avec Justin Kingsley.

Si Justin cosigne la biographie, il admet que raconter l’histoire de Florent sans qu’on sente sa présence a été un défi. Pendant presque deux ans, Florent et Justin se sont donné rendez-vous dans un abribus, qu’ils appelaient leur « bureau ». Ils marchaient ensemble sur le mont Royal. Et Florent confiait les fragments de sa vie, ses histoires.

« C’est une histoire complètement unique, avec des arbres qui se parlent. C’est un acte de création pour accueillir le lecteur dans le monde de Florent, des Innus. J’ai voulu montrer le beau et le dur. »

Justin veut mettre en situation le lecteur : qu’il vive lui-même l’expérience, pour qu’il apprenne de celle-ci. Certaines scènes sont bouleversantes. À 5 ans, Florent se retrouve seul au pensionnat, loin de sa mère et de son père. Près du calorifère, il a froid pour la première fois. Il découvre la peur. « J’ai trouvé cette image-là bouleversante, pleine d’humanité naïve, et belle. »

L’autre scène qui touche profondément Justin est celle du matin où les enfants quittent la maison familiale pour aller au pensionnat. « Dans l’espace d’une tasse de café, les sept enfants ne sont plus là. Si ceux qui ont même un seul enfant lisent ça, ils vont frissonner. C’est dur à croire. »

Lorsque Florent sort du pensionnat, il découvre une liberté totale, trop grande, qui se transforme en rébellion. Il finit par décharger sa colère sur une voiture de police. Mais il redécouvre et reconnecte aussi avec sa culture, sa communauté et son savoir ancestral. Et avec la musique, il trouve le sentier dans lequel avancer.

Se rapprocher

Pour Florent, l’objectif du livre est d’abord de rapprocher les gens. « Les gens me demandent : « Comment on fait pour se rapprocher? » Ce n’est pas compliqué : tu vas à leur rencontre. Tu fais l’effort de communiquer, de tendre la main », illustre Justin.

Il y a aussi l’objectif d’éduquer les gens sur ce qui s’est vraiment passé, ajoute l’écrivain. « Florent m’a souvent répété : « Comment peux-tu t’attendre à guérir la blessure si tu n’es pas capable de l’admettre? » » C’est pourquoi Florent raconte avec franchise et sans fard son passage au pensionnat, le déracinement de sa communauté, le lien brisé entre les générations, et la souffrance de ses parents, entre autres.

Il partage et honore aussi sa culture, qu’on a tenté de détruire, sa connexion avec la nature, ainsi que la sagesse et la résilience qu’il a acquises en marchant « contre le vent ».

En livrant ce récit, il espère contribuer à la réconciliation des peuples. « Notre collaboration sur ce livre, et nos deux noms sur la couverture, sont des actes de réconciliation. On est deux à choisir de faire un bout de chemin ensemble, tout en reconnaissant la différence et la beauté de l’autre », explique Justin. « J’en ai assez du discours politique. J’aime l’action politique », souligne-t-il.

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