Francine Ouellette, une auteure en avance sur son temps
Dans le cadre de son 20e anniversaire, l’Association des Auteurs des Laurentides inaugure un tout nouvel honneur : le prix Claude-Henri Grignon sera remis le 17 octobre prochain pour saluer la contribution remarquable d’un.e auteur.e des Laurentides à la littérature québécoise. Quatre auteur.es sont en lice : Louis-Philippe Hébert, Jean-François Beauchemin, Francine Ouellette et Louise Tremblay D’Essiambre. Au cours de l’été, nous ferons le portrait de ces artistes remarquables et de leur œuvre.
Enfant, Francine Ouellette passait ses étés dans les Hautes-Laurentides où son père avait de la famille. De Montréal à la municipalité du Lac-du-Cerf, elle était parachutée dans un tout nouveau monde. Ces visites ont fait naître chez elle une grande curiosité pour notre histoire. « J’allais chez ma grand-tante qui avait été sage-femme. Elle me racontait comment c’était quand elle est arrivée dans la région, elle parlait des autochtones, du curé ou du médecin qui allait soigner les patients à cheval. »
Les Laurentides ont toujours occupé une place importante dans son enfance. Son arrière-grand-père est arrivé à Mont-Laurier en tant que pionnier vers la fin du 19e siècle. Son grand-père a siégé au conseil municipal et son père est né dans cette même municipalité qu’habite aujourd’hui Francine Ouellette. Ce fort sentiment d’appartenance à la région est ce qui rend sa nomination pour le prix Claude-Henri Grignon aussi spéciale à ses yeux.
Avant-gardiste
Depuis ce temps, l’histoire du Québec et de nos régions, les questions autochtones et la culture des Premières Nations fascinent Francine Ouellette. À 12 ans seulement, elle écrit son tout premier manuscrit de 200 pages. Aujourd’hui, avec le recul, elle considère qu’il est l’ancêtre d’Au nom du père et du fils, le tout premier livre qu’elle publie en 1984.
Dans celui-ci, il est notamment question de la colonisation des Pays-d’en-Haut, de la rencontre entre Blancs et Autochtones, du choc des cultures et de l’influence du clergé. On parle même d’un curé qui a abusé d’un jeune métis orphelin, un passage inspiré de témoignages qu’avait reçus Francine Ouellette. L’auteure y aborde des enjeux qui n’étaient pas du tout à l’ordre du jour à l’époque. On se rappelle qu’en 1984, les pensionnats autochtones existent toujours. « C’était avant-gardiste mon affaire ! », s’exclame l’écrivaine. Le livre a connu un immense succès et a été adapté plus tard en télésérie.
En 1989, Francine Ouellette touche à un autre enjeu d’actualité aujourd’hui, mais qui passait sous le radar à l’époque : l’environnement. Son livre Sire Gaby du lac parle de la protection des lacs. On utilise à présent certaines notions dont l’auteure parlait déjà il y a plus de 30 ans dans son livre!
Réécrire l’histoire
Actuellement, Francine Ouellette travaille sur le 6e tome de sa saga Feu. Il s’agit d’un travail de recherche colossal qui a débuté dans les années 1990. Le premier tome, publié en 2004, débutait 2500 ans av. J-C, alors que celui à venir se déroule au début des années 1900. Il s’agit d’une série de romans historiques qui touchent encore une fois à notre histoire, à celle des Premières Nations et à la colonisation.
Au cours de ses recherches, l’écrivaine a remarqué bien des erreurs dans l’information qui lui avait été enseignée et présentée comme étant absolue. Elle se rappelle un monument commémoratif à Montréal qui honorait Nicolas Viel, un missionnaire de la Nouvelle-France. « C’était écrit qu’ici, dans les rapides, les méchants Hurons avaient jeté le père Nicolas Viel dans les eaux, par haine de la foi », indique l’auteure, de mémoire. Lorsqu’elle a entamé ses recherches pour La rivière profanée, premier tome de la saga, Francine Ouellette a découvert une tout autre histoire : Les Hurons étaient en réalité les alliés des Français et Nicolas Viel avait chaviré dans les rapides par accident.
Pour Francine Ouellette, il y a à la fois du beau et du moins beau dans notre histoire, mais cela n’empêche pas que nous devons la connaître. « Si on ne la connait pas, on ne sait pas d’où on vient. À présent, on tombe sur le derrière parce qu’on apprend la mort de centaines d’enfants autochtones, mais on aurait dû savoir », donne en exemple l’auteure. Son travail devient ainsi une occasion de réécrire l’histoire et d’offrir des points de vue multiples, tout en favorisant une plus grande ouverture.