I am legend
Sentiments partagés
Une des premières grosses productions américaines du temps des Fêtes est ce
I am legend («Je suis une légende») de Francis Lawrence, m’a fortement impressionné et déçu tout à la fois. Voilà un «bon» film qui rate sa fin. Un phénomène fréquent dans ce genre de production.
C’est que l’univers imaginé par les artisans du film, très librement inspiré d’un roman-culte de sience-fiction de Richard Matheson, est fascinant et même dérangeant par son réalisme et sa vision déprimante de notre futur presque immédiat. Mais la fin du film est carrément impardonnable, car elle donne dans le prêchi-prêcha chrétien qui laisse songeur sur les véritables liens entre Hollywood et les milieux politiques américains. Le film (qui est en fait le deuxième remake de cette histoire) montre ce qui pourrait survenir si un virus dévastateur frappait l’humanité de plein fouet. C’est qu’une brillante scientifique trouve le remède au cancer. Littéralement. Elle a créé une mutation du virus de la variole. Mais, une fois dans l’organisme humain, ce virus subit une autre mutation. Virulente, celle-là. Qui transforme les personnes infectées en zombie. En quelques heures, elles deviennent des monstres, qui perdent toute humanité et qui, pour survivre, doivent se cacher de la lumière, car elles sont sensibles aux ultraviolets. En quelques semaines, presque six milliards d’êtres humains périssent ou sont transformés en créatures de la nuit.
Les quelques centaines de millions de personnes qui ont survécu à cette épidémie (car elles sont naturellement immunisées contre le super-virus) ont été dévorées par les autres.
C’est dans ce contexte qu’on nous présente le Dr Robert Neville (Will Smith). Ce survivant habite seul dans New York. Comme par hasard, c’est un scientifique de haut vol. Et il s’emploie à trouver un remède contre cette catastrophe. Il survit le jour et mène ses expériences en capturant des zombies.
Il erre ainsi depuis des années dans la mégapole, où la nature a retrouvé ses droits. Tout l’intérêt du film réside dans ces séquences. Car les producteurs ont réussi à convaincre les dirigeants de la Grosse Pomme de leur confier des endroits comme Fifth Avenue ou Washington Square. Ils tournaient le soir ou le dimanche matin, après avoir vidé les lieux de tous leurs passants. L’effet est saisissant: Will Smith déambule dans une ville littéralement abandonnée, envahie par les animaux sauvages et les herbages. Il fait pousser ses légumes dans Central Park et pratique son swing de golf sur l’aileron d’un bombardier furtif stationné sur un porte-avion échoué dans le port.
Le film multiplie les flash-back sur les derniers moments de la civilisation actuelle. On y voit des autorités désespérées isolant Manhattan (d’où est partie la contagion) à coup de missiles faisant sauter les ponts. Une sorte de fin du monde. On alterne entre ces scènes épouvantables et le mode de vie en solitaire du Dr Neville, qui est saisissant. Mais ce dernier est-il le dernier survivant de la race humaine?
Évidemment, le film comporte son lot de scènes censées nous accrocher à notre siège. Notamment lorsque le chercheur découvre un «nid» de zombies: ces images resteront longtemps gravées dans votre tête. D’autant plus qu’il doit fuir ces horribles créatures. Mais le procédé manque parfois de tempo car il devient presque répétitif. Notamment vers la fin.
De plus, le film se termine sur un épilogue (différent du livre) d’inspiration chrétienne. La vue d’une église (une image qui évoque le paradis après la résurrection) est presque grotesque. Mais je n’en dirai pas plus.
Malgré cette fin peu convaincante, le film est assez habile pour que je sois pris, plusieurs jours après l’avoir vu, avec quelques images déstabilisantes. Même si les incongruités habituelles dans ce genre de film étaient légion. Visuellement, le film est renversant. Et il faut bien reconnaître que Will Smith relève ce défi avec brio: pas facile de tenir le rôle principal… alors que celui-ci est en fait le «seul» rôle pour presque toute la durée du film. Certains plans sont particulièrement touchants. Pas mal pour un ex-rappeur qui a commencé sa carrière d’acteur dans une comédie de bas étage.
Avant tout, il faut peut-être retenir le message principal de ce film: nous avons les moyens de notre annihilation. Il faut donc surveiller les autorités et éviter que ça se produise!