Il était grand, il était beau

Par jacqueline-brodie

Arrêt sur images

Cannes ne serait pas Cannes sans le tonnerre de ses feux d’artifice de minuit, ses yachts de milliardaires posés sur la grande bleue, ses parades de stars, ses mendiants, ses moments d’émotion pure et… ses scandales

Comblés, nous fûmes. C’est un Cannes tout inclus qui nous fut servi cette année. Images parmi tant d’images…

Scène Croisette – Aux marches du Palais – Soirée de présentation du PIRATE DES CARAÏBES; des hordes de badauds hurleurs et admiratifs entassés par milliers sur un demi-kilomètre derrière les barricades réclament de Brad Pitt un souvenir tangible. Souriante, affable, la star s’exécute, longe la foule, remercie ses admirateurs, autographiant diligemment tout papier à sa portée, serrant les mains tendues, offrant sa gentillesse à ses adorateurs. Pendant ce temps, son épouse Angelina Jolie oeuvre côté tapis rouge, faisant le bonheur des photographes. Beau spectacle que celui des deux idoles accomplissant leur devoir de stars!

Scène d’intérieur – Au cœur du Palais – Conférence de presse de Lars Von Trier, le réalisateur danois (Palme d’Or 2000 pour Dancer in the Dark), après la projection de MELANCHOLIA, sa magnifique version de la fin du monde. Un obscène F… peint sur son poing levé, le fieffé provocateur fait le pitre. Il profère d’abord quelques goujateries à l’égard de ses trois actrices, Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg et Charlotte Rampling. Porté par sa démesure, il s’enlise dans l’inacceptable, déclarant , entre autres insanités, sa sympathie pour Hitler et le nazisme. Sommé par la Direction du Festival de présenter des excuses, il s’exécutera, pitre penaud. Trop tard! Déclaré persona non grata par la Direction, il fut le lendemain – fait sans précédent dans les annales du Festival – expulsé de la manifestation. Son film fort heureusement n’a pas souffert de ses errements et a valu à Kirsten Dunst un prix d’interprétation féminine bien mérité. 

Sur scène – Hommage à Jean-Paul Belmondo – Une soirée chargée d’émotion. C’est avec une Palme d’Or que Jean-Paul Belmondo, 78 ans, plus d’un demi-siècle de carrière incluant quelque 80 films, fut proclamé par la Direction du Festival «un des plus grands acteurs français de tous les temps». Issu du vénérable Conservatoire d’art dramatique, débordant de talent, Belmondo devint rapidement l’une des plus grandes vedettes du cinéma français et l’un des champions du box-office. Il a tourné avec les grands réalisateurs de la Nouvelle Vague, Resnais, Chabrol, Truffaut, Lelouch et fut l’inoubliable interprète de À bout de souffle de Jean-Luc Godard. Charmeur et intrépide, Belmondo faisait lui-même ses cascades, souvent au péril de sa vie. Aussi était-il particulièrement émouvant de voir le grand acteur, victime de problèmes cardio-vasculaires, partiellement paralysé, appuyé sur sa canne, parlant avec difficulté, loué par ses pairs acteurs et réalisateurs présents. Il fut longuement ovationné. 

Repères

Derrière le tapis rouge – Vus dans la section Cannes Classics 2011: VOYAGE DANS LA LUNE (1902 – 14 minutes), version coloriée et restaurée d’une œuvre étonnante, remplie d’humour du réalisateur Georges Méliés, père des effets spéciaux. Une merveille! Aussi, le plus beau film du Festival: une version restaurée du chef-d’œuvre de Marcel Carné LES ENFANTS DU PARADIS (1945): 3h10 de bonheur total avec la légendaire actrice française Arletty. 

La plus chaleureuse réception du Festival – Son déjeuner traditionnel offert par le Député- Maire de Cannes au Suquet, sommet de la ville historique. Spectacle réjouissant que ce rassemblement de près de 600 journalistes de la presse nationale et étrangère dévorant le traditionnel plat provençal, l’aïoli, arrosé de copieuses rasades de rosé – Un déjeuner décontracté où les cultures les plus diverses se rencontrent. Jolie mise en scène d’une joviale et éphémère société des nations échangeant ses points de… vues!

Une compétition d’une rare qualité nous a valu un Palmarès en dents de scie, éloquente démonstration de la diversité de goûts des membres du jury présidé par Robert de Niro.

Lauriers

Palme d’or 2011 à THE TREE OF LIFE de Terrence Malik – (absent) – pour son long poème visuel sur la création, l’invincible puissance des forces de la nature dans laquelle les pauvres humains ne sont que poussières dans le cosmos. Mystique, pétrie de spiritualité, c’est une œuvre à la fois magnifique, singulière et déroutante. Aux antipodes du Malik, le film des frères Dardenne, LE GAMIN AU VÉLO, facile d’accès sans être simpliste, est une belle histoire sur la solidarité qui réussit sans peine à nous émouvoir par ses qualités humaines. Il partage le Grand Prix avec ONCE UPON A TIME IN ANATOLIA du réalisateur turque Nuri Bilge Ceylan, récit prodigieusement envoûtant d’un groupe de policiers à la recherche d’un cadavre, d’une colline à l’autre, au milieu des steppes. Rencontres, découvertes, confessions, un film fascinant, telle la mélopée d’un charmeur de serpents. Contraste: c’est dans le bruit et la fureur que nous plonge DRIVE, un thriller de facture originale mené pédale au plancher par le Danois Nicolas Winding Refn lauréat du Prix de la mise en scène. Son héros, jeune homme solitaire est cascadeur de jour et pilote de voitures de mafiosi la nuit. Son cœur de justicier ne supportera pas que les truands s’en prennent à la jolie veuve et à l’orphelin qu’il protège. Saignant! Grand saut dans le temps d’antan avec THE ARTIST, tour de force du Français Michel Hazanavicius qui ressuscite avec brio le cinéma muet. Impeccable performance de l’acteur Jean Dujardin, Prix d’interprétation masculine indiscutable. Autre film français au Palmarès, POLISSE de Maïwenn, sur le quotidien de la brigade de protection des mineurs, accueilli avec enthousiasme lors de sa présentation a reçu le Prix du jury. Surprise pour le Prix du scénario, attribué à l’Israélien Joseph Cedar réalisateur de FOOTNOTE, œuvre intense et rigoureusement menée sur la rivalité contrôlée entre deux intellectuels avides de reconnaissance, père et fils.

En conclusion et pour citer le Président Robert de Niro, tant de films exceptionnels dans cette édition 2011 que le Jury a regretté de ne pouvoir en récompenser que si peu. Un bonheur pour le festivalier.

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