La pirogue préhistorique reçoit un prix
Technologies autochtones (Abotec) s’est mérité le Coup de cœur du jury des Prix Archéo-Québec 2022 pour le Projet Pirogue, réalisé en collaboration avec le Centre d’interprétation des eaux laurentiennes (CIEL). L’été dernier, l’archéologue Martin Lominy et son équipe ont construit une pirogue préhistorique à Lac-des-Seize-Îles, pour mieux comprendre les techniques utilisées autrefois par les Premières Nations.
« On sait qu’on contribuait à la diffusion de l’archéologie. Mais de savoir que notre contribution est reconnue, c’est bien! », s’est réjoui Martin. Cet été, la pirogue voyagera au Québec pour des évènements et des conférences. Elle sera par exemple à la Grande Traite culturelle des gosseux, conteux, patenteux de Nominingue les 23 et 24 juillet. « Il n’y a plus grand-chose de scientifique à faire sur la pirogue. Donc on est maintenant dans la phase de diffusion, pour faire découvrir la discipline de l’archéologie expérimentale. »
Les outils utilisés pour créer la pirogue sont aussi l’objet d’analyses morphométriques et tracéologiques. Les données recueillies profiteront aux archéologues dans leurs recherches. Ceux-ci pourront comparer l’usure, les traces laissées par le travail et d’autres paramètres avec de vrais artéfacts autochtones, pour déterminer comment ils étaient utilisés.
Coulée pour l’hiver
En septembre dernier, l’équipe avait submergé la pirogue dans les eaux du lac des Seize-Îles. L’hypothèse de Martin est que les Premières Nations coulaient leurs pirogues durant l’hiver pour les préserver. À l’air libre et exposé au froid, le bois pourrait se fendre, ce qui rendrait la pirogue inutilisable.
Toutefois, engloutir la pirogue a été plus difficile que prévu. « On était trois ou quatre dans l’eau. On se disait qu’une fois remplie de pierres, elle coulerait. Mais il a fallu ajouter des chaudières de roches », raconte l’archéologue.
S’il a eu autant de difficulté, Martin croit que c’est parce que sa pirogue est plus massive que celles de la préhistoire. « Elle a quatre pouces d’épais. Eux la faisaient à un pouce d’épais, parce qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. Avec ce qu’on a appris en faisant la première, si on en faisait une deuxième, elle serait correcte », explique l’archéologue.
En mai dernier, l’équipe a sorti la pirogue du lac, après huit mois passés sous l’eau. « On ne savait pas trop à quoi s’attendre, mais on a été agréablement surpris. Elle est remontée après qu’on a enlevé seulement la moitié des roches, comme une bombe! Un hiver, ce n’est pas assez long pour la saturer d’eau. »
Martin croyait devoir laisser sécher la pirogue, mais elle avait gardé toute sa flottabilité. « Il y avait un peu de glu organique à certains endroits. Sinon, elle est comme si on venait de la faire », s’émerveille-t-il.
Poterie et cuisine ancestrales
Maintenant, l’archéologue travaille sur un nouveau projet d’archéologie expérimentale, avec entre autres l’archéologue Karine Taché et les Kitigan Zibi Anishinabeg, une Première Nation dans la Vallée-de-la-Gatineau, en Outaouais.
L’objectif est de reconstituer des poteries préhistoriques et leur interaction avec de la cuisine traditionnelle. « C’est un long projet, sur cinq ans. Cette année, on va tester des argiles locales. L’année prochaine, on va développer le processus de constitution des poteries. Puis on intégrera la cuisine. » Encore une fois, toutes les démarches seront documentées pour faire avancer la recherche.
La collaboration des Anishinabeg dans le projet réjouit aussi Martin. « Même si la cuisine traditionnelle s’est maintenue, plus personne n’utilise de poterie depuis des siècles! Ça sera intéressant pour eux, de voir la manière de préparer et de cuisiner avec la poterie. C’est l’occasion de se réapproprier un patrimoine très ancien. Et pour nous, d’apprendre d’eux. C’est vraiment un bel échange. »