Lady Chatterley

Par stephane-desjardins

L’apprentissage de l’amour</h2>

La plupart d’entre nous ont vécu une relation «pédagogique» du point de vue sexuel. Un des ces amours passionnels où on fait l’exploration de sa sensualité. On apprend des choses, on se laisse aller, on découvre un plaisir sexuel intense et insoupçonné. Habituellement, ce genre d’expérience survient à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Mais, pour certains, elle est vécue bien plus tard. C’est ce qui arrive au personnage principal de Constance, dans le célèbre roman L’amant de Lady Chatterley, de DH Lawrence.

C’est le phénomène de l’apprentissage de l’amour qui intéressait avant tout la cinéaste Pascale Ferran lorsqu’elle s’est attaquée à cette œuvre qui a fait scandale dans l’Angleterre des années 1930, où les femmes étaient tenues en laisse par une morale pesante. Ce choix est heureux car la cinéaste a évité le côté salace de cette histoire tout de même érotique par moments (et qui a inspiré d’autres moutures du septième art, disons, moins artistiques, justement). C’est que Sir Lawrence (Hippolyte Girardot), un aristocrate anglais propriétaire d’une mine située sur ses terres de la campagne anglaise, revient hémiplégique de la première grande guerre. Il est diminué et, malgré tout le flegme dont il fait preuve, aigri. Non seulement ne peut-il marcher, mais il a besoin, à son corps défendant, de soins constants. Et il ne peut faire l’amour.

Sa femme, Constance (Marina Hands), s’occupe tout de même de son mari avec application. Mais elle a beaucoup de temps libres. Tellement que cette semi oisiveté de femme du monde, dont le rang la dégage des habituelles tâches ménagères et autres obligations de femmes ordinaires de son époque, la rend littéralement malade. Le médecin de famille lui prescrit donc un léger remontant et, surtout, de l’exercice.

Elle s’appliquera donc à marcher sur ses terres. Et fera la connaissance, par hasard, de son garde-chasse, Oliver Parkin (Jean-Louis Coulloc’h, qui ressemble étrangement à Marlon Brando). Ce dernier, un être bourru et à prime abord assez rébarbatif, finira par intriguer Lady Chatterley.

C’est que cette dernière s’est éprise d’un paysage où est située une cabane où Parkin élève des faisans. Ce dernier, casanier et antisocial, n’apprécie guère cette intrusion dans son univers libre d’humains. Les deux finiront par devenir amants. Puis, un véritable amour naîtra entre cette femme et cet homme que, normalement, tout devrait éloigner. Pascale Ferra signe donc un film naturaliste et contemplatif avant tout. Rythme très lent, multiplication de plans exaltant les beautés de la nature, longues séquences expliquant la solitude dans laquelle les personnages évoluent, leur condition, puis le bonheur des amants. Les scènes de sexe, assez pudiques, expriment davantage cet apprentissage dont je parlais tout à l’heure, puis le bonheur d’un véritable amour, qui se construit malgré les malentendus et les interdits. Il est fascinant de voir cette femme, pur produit de son époque, se métamorphoser. De maîtresse de maison bourgeoise et guindée, elle s’ouvre à la sensualité et aux réalités cruelles de son siècle. Elle se forge sa propre personnalité. Elle adopte une attitude très ouverte, moderne, face à l’amour. On voit naître pratiquement une féministe dans ce qui est, pourtant, une société pleine de ces limitations propres à l’époque victorienne dont elle venait tout juste de sortir. Lady Chatterley est un film magnifique et serein. Mais son rythme, son langage et sa façon d’exprimer son message relève davantage de l’œuvre d’art que du spectacle. On voit de moins en moins de ce genre de productions au cinéma. Elles nous rappellent pourtant que la condition humaine ne s’exprime pas seulement dans la fureur de vivre. Il y a des expériences qui ne se racontent que dans l’intime, la douceur et la lenteur.

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