Le chaud et le froid
Nitro
Nitro n’aborde finalement qu’un seul thème: avons-nous réellement le contrôle de notre vie? La majorité d’entre nous y croit. Mais, en réalité, nous n’avons aucune emprise sur un paquet d’impondérables. La maladie, les accidents, les revers de fortune, l’usure du temps ou de la promiscuité. Même lorsqu’on est persuadé qu’on peut reprendre le contrôle quand tout s’écroule: aucune certitude!
Le film d’Alain Desrochers surfe allègrement sur ce thème. Ce spectacle de courses de voiture doublé d’un chassé-croisé amoureux est en fait une quête effrénée pour le contrôle d’une vie qui échappe au principal intéressé: Max (Guillaume Lemay-Thivierge). Ce dernier mène une existence tranquille comme ouvrier de construction depuis presque une décennie quand le cœur de sa blonde flanche. Désespéré, Max refuse l’inévitable.
À partir de ce moment-là, tout déboule à une vitesse terrifiante. Max décide de trouver un cœur pour sa belle et commet l’irréparable. Il plonge dans le monde interlope qui fut le sien autrefois, alors qu’il ne vivait que pour la griserie de la vitesse, des voitures hypertrophiées et des poupounes en veste de cuir et en shorts ultra moulants. Le fameux cœur, qu’il doit livrer en quelques heures à sa belle, mourante à l’hôpital, se transformera en cauchemar. Car Max aura la mafia ET la police à ses trousses. S’en suit une course folle dans les rues de Montréal et à la campagne, autour de laquelle l’essentiel du film s’articule. Course qui le mènera à nouveau sur le chemin de celle qui fut, autrefois, sa passion dévorante, Morgane (Lucie Laurier). Cette dernière va-t-elle lui permettre de réussir sa quête ou l’entraînera-t-il encore plus loin dans le malheur? Il faut bien reconnaître que Nitro est un film bien torché. D’accord, il a bénéficié d’un des budgets les plus imposants de notre cinématographie, mais c’est tout de même un film de chars, de cascades et d’action! Sur ce plan, c’est admirablement réussi. Desrochers nous en met plein la vue. Rien à envier à Rapide et dangereux.
Du point de vue de la technique, le réalisateur a réussi un tour de force. Les comédiens sont également très forts. Lemay-Thivierge crève l’écran: il est tout simplement formidable. Les autres aussi surprennent par la profondeur de leur jeu, malgré des personnages souvent abordés de façon presque superficielle ou accessoire à l’histoire.
Mais le film souffre de plusieurs problèmes. La fin comporte un élément absolument invraisemblable. Une personne dans la salle m’a même apostrophé pour me demander comment se fait-il que Morgane n’a pas tout simplement ouvert la fenêtre? J’arrête ici pour ne pas vous révéler le punch, mais vous comprendrez que ce détail a toute son importance. Le film souffre aussi d’un problème de rythme. Desrochers tenait à insérer des scènes touchantes, notamment pour justifier le fait que Max est désormais un bon père de famille et qu’il doit protéger Théo, son jeune fils adoptif (Antoine Desrochers). Le cinéaste prend aussi le temps d’expliquer comment Max en est venu à se ranger de la sorte, à connaître l’amour. Et il le raconte sous la forme de flash-back.
Toutes ces «sorties de route» viennent ralentir un film censé carburer à la vitesse, aux poursuites de char ou à pied, aux intrigues dont le dénouement semble impossible. J’aurais vu un film monté plus serré, davantage centré sur l’action. C’est comme si Desrochers, qui a délibérément ajouté cette histoire d’amour à ce film de gars de chars, avait de la misère à livrer un véritable film d’action.