Littérature : Gabrielle Filteau-Chiba et le genre hopepunk
Par Rédaction
Par Joëlle Currat
Le plus récent roman de Gabrielle Filteau-Chiba intitulé Hexa fait partie des finalistes au Prix des libraires 2025. Une plongée dans l’oeuvre marquante d’une écrivaine visionnaire.
L’autrice québécoise et amoureuse des Laurentides s’était déjà illustrée dans les dernières années avec sa trilogie Encabanée, Sauvagines et Bivouac, des livres qui se sont vendus à plus de 120 000 exemplaires dans toute la Francophonie. Dans le premier volet, elle raconte son expérience de la vie dans les bois après avoir laissé son appartement de Montréal. Poursuivant dans la même veine, les héroïnes de son tout dernier roman Hexa cherchent à échapper à une société aux règles oppressantes et à s’émanciper en renouant avec la forêt, la solidarité et la sororité.
Les récits de fiction de cette romancière lui servent à exposer trois façons de protéger la nature : le retrait, le développement d’un modèle alternatif et l’activisme. Des thèmes centraux dans l’œuvre de cette visionnaire qui s’efforce de mettre en pratique dans sa vie quotidienne ce qu’elle prône dans ses écrits.
Le style hopepunk

On désigne souvent Gabrielle Filteau-Chiba comme une romancière influencée par le nature writing – un genre littéraire né aux États-Unis mêlant observations de la nature et considérations autobiographiques – ou comme écoféministe. Est-ce qu’elle adhère elle-même à ces courants de pensée ?
« Ma création artistique s’inscrit effectivement dans une démarche engagée. J’aime rappeler aux lectrices et lecteurs que les livres qu’on tient entre les mains sont faits de papier, donc de pulpe d’arbres. Je considère qu’il est de mon devoir envers ces grands êtres de parler en leur nom dans mes textes. On a beaucoup à apprendre d’eux. »
Elle utilise aussi volontiers le terme hopepunk pour qualifier son style, un genre littéraire avec des personnages qui luttent pour un changement positif et coopèrent pour apporter des solutions aux problèmes sociaux et environnementaux. « Ce genre regroupe des romans d’anticipation où il se produit des avancées technologiques ou sociétales. On parle aussi de solarpunk fiction parce qu’il y a de la lumière et de la bienveillance dans la vision du futur », explique l’autrice.
Influencée entre autres par Margaret Atwood, avec qui elle a suivi une classe de maître pendant la pandémie, Gabrielle se dit aussi très inspirée par les livres de Henry David Thoreau et ses récits de retour à la terre, de simplicité et d’entraide.
Une nomination inattendue
Le roman Hexa fait partie des finalistes au Prix des libraires du Québec 2025 dans la catégorie romans-nouvelles-récits. Menant une carrière florissante en Europe, comment Gabrielle Filteau-Chiba a-t-elle accueilli cette nomination chez elle, en terre québécoise ?
« C’est la première fois qu’un de mes livres est en lice pour un prix ici. Je vis un moment de grand bonheur », confie celle qui cultive la joie et la considère comme une forme de militantisme, comme un rempart contre la grisaille ambiante. Pratiquer une forme d’écologie du cerveau et se sevrer d’informations toxiques font partie des priorités de cette romancière et mère d’une petite fille. « On se fait marteler tous les jours que la planète va mal et que les guerres n’en finissent plus. La population vit de plus en plus dans un état de sidération, oscillant entre l’apathie et l’anxiété. Voilà pourquoi dans mon roman Hexa, j’ai créé le personnage de Thalie, une adolescente qui fait son entrée dans l’âge adulte. Un âge où il est si important d’avoir des rêves et de ne pas perdre espoir de les réaliser. »
Quelles solutions préconise-t-elle pour faire face aux défis actuels ? « Je suis une ardente défenseuse de la décroissance. Une décroissance joyeuse qui passe par le fait de dormir plus, lire beaucoup, faire l’amour et marcher. Des actions qui donnent beaucoup d’énergie et permettent ensuite de rayonner et de prendre soin des autres. »
Les feux du Nord
Gabrielle Filteau-Chiba a elle-même été confrontée avec sa famille à une catastrophe écologique lorsqu’elle vivait dans les Laurentides en 2023. « Nous avions loué une maison à Sainte-Adèle quand des feux de forêt se sont déclarés au nord de la Province. Je les voyais même au loin depuis mon balcon recouvert de cendres à cause des grands vents. En plus d’être incommodés par la fumée, nous ne pouvions pas envoyer notre fille à l’école ni jouer dehors », se rappelle-t-elle.
L’écrivaine croit que les problèmes actuels peuvent être résolus, entre autres, par la puissance de la douceur, pour reprendre le titre du livre de la psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle. « La douceur comme la joie sont des énergies sous-estimées dont les femmes surtout sont porteuses. Il est important de revenir à des valeurs maternelles de préservation de la vie. »