MAC LAU : Les rebelles de Kiuna
La nouvelle exposition Regalias Rouges Rebelles en Rouli-Roulants du Collectif de Kiuna est maintenant présentée au Musée d’art contemporain des Laurentides (MAC LAU). Elle met de l’avant des oeuvres peintes sur des skateboards par des étudiantes du Collège Kiuna, des jupes traditionnelles et des photographies, entre autres.
L’exposition s’insère dans L’Effet Manitou du MAC LAU, qui collecte, préserve et partage la mémoire des étudiants du Collège Manitou, le premier établissement entièrement autochtone qui a existé de 1973 à 1976 à La Macaza. Le Collège Kiuna en est, d’une certaine façon, l’héritière spirituelle. « C’est la seule institution postsecondaire par et pour les autochtones. C’est situé dans la réserve d’Odanak, de l’autre côté du fleuve, dans le territoire Wabanaki. Mais le Collège Kiuna accueille les étudiants de toutes les Premières Nations et même de tous les peuples », explique Guy Sioui Durand, sociologue de l’art et professeur d’art à Kiuna.
Un collectif féminin
Entre 16 et 20 femmes, des étudiantes du collège et des complices, ont participé au projet. « Déjà là, on ouvre tous les débats qu’il y a actuellement sur les espaces sécuritaires. Derrière ça, il y a une mémoire et un savoir : un savoir-faire et un savoir-vivre-ensemble. Mais c’est aussi de dépasser les drames et les malheurs. On parle souvent des femmes assassinées ou disparues. L’exposition montre comment, par la fierté et ensemble, on peut surmonter ça », explique M. Sioui Durand.
« L’idée audacieuse » de transformer des skateboards en oeuvres d’art permet de rejoindre une génération plus jeune, mais aussi de parler de douceur avec « un côté assez festif », explique le professeur. « Les skateboards, ça nous ramène au toboggan l’hiver, à la planche à pagaie l’été, et même au tikinagan : le porte-bébé. »
Les étudiantes ont aussi fait des regalias : des juges traditionnelles qui peuvent servir pour des cérémonies, des pow-wow ou des danses de guérison. « Ça ramène quelque chose qui a tellement longtemps été négligé et relégué à l’artisanat : le perlage et la broderie », explique M. Sioui Durand. Les regalias sont complétées par des t-shirts qui arborent un logo créé par l’artiste atikamekw Eruoma Awashish, « l’une des artistes autochtones les plus importantes actuellement au Québec ». « Il y a le cercle, qui représente la nature, et à l’intérieur, on voit sa fille en skate. Rien que ça, on voit la transmission des générations », illustre le professeur.
« On retrouve cette idée de rencontre. Pas la rencontre touristique ou « à la rencontre de l’autre » qu’on entend partout. C’est vraiment la fusion entre le monde des savoir-faire traditionnels, qui sont représentés par les jupes, […] l’art actuel et la culture de consommation de masse. Ici, c’est l’art qui l’emporte. »
S’exprimer
Dans l’exposition, une grande photo est placée au sol, où on voit les membres du collectif afficher un visage fier, voire défiant. « Ça va devenir comme un feu. Quand on allume le feu, on se met autour et on parle. C’est vraiment ici une oeuvre autochtone, avec une vision autochtone », explique M. Sioui Durand.
Le rouge est aussi mis à l’honneur dans l’exposition. « On a toujours été associés au rouge : les Peaux-Rouges, le pouvoir rouge dans les années 1970… Le rouge peut signaler la passion, mais aussi le danger. Le rouge fédère tout. » Il y a aussi un côté rebelle aux oeuvres présentées. « Être rebelle, c’est ne pas accepter l’ordre établi ou la fatalité des choses », souligne le professeur.
Ainsi, les skateboards ont été l’occasion pour les participantes d’exprimer leur individualité, explique Chanel, une étudiante allochtone en éducation spécialisée qui fait partie du collectif. « On l’a toutes fait à notre image, avec ce qui nous représentait et nos émotions. Le mien est plein de couleurs : mauve, rose, orange flash… Et c’est pour mon garçon aussi. Il est écrit Free Spirit dessus. »
Se libérer par le skateboard
Pour Andréa, qui a montré aux participantes comment faire les regalias, le skateboard est un sport unisexe et rassembleur. « Je ne me suis jamais sentie exclue quand je trainais dans les skateparks et que je faisais du skateboard chez nous. À Manawan, quand ils ont commencé à asphalter les rues, tout le monde était dehors et faisait du bicycle, du patin à roues alignées et on faisait du skateboard aussi », raconte-t-elle.
Elle parle de ses cousines qui font de l’art contemporain comme exemple. « Cette fougue-là, de ne pas être gênée du tout, ça nous amène à des places intéressantes. Il ne faut pas avoir peur de s’avancer et de se casser la gueule. On va toujours se relever. C’est aussi ça le message. »
En Colombie-Britannique et en Alberta, des organismes se promènent de village en village avec un skatepark mobile, indique Andréa. Leur objectif est de construire une communauté et de tisser des liens. « J’ai fait partie du festival Présence autochtone il y a deux ans. C’était la première fois qu’ils faisaient un atelier de skate. Ils ont construit une rampe. Ils m’ont invitée et j’ai fait un panel avec une artiste navajo. Je connais du monde de partout qui font du skateboard.
Regalias Rouges Rebelles en Rouli-Roulants
Où : MAC LAU, 101 place du Curé-Labelle, Saint-Jérôme
Quand : Du mardi au samedi, de 12 h à 17 h; et le dimanche, de 12 h à 16 h
Combien : Gratuit !