Samian à contre-courant
Samian habite Sainte-Adèle depuis maintenant 7 ans. Originaire de Pikogan, une petite communauté autochtone en Abitibi-Témiscamingue, il a toujours préféré la région à la ville. C’est dans son petit havre de paix que nous le rencontrons, deux jours seulement avant la sortie de son 5e album, Nikamo.
Il nous accueille chaleureusement et nous conduit à l’arrière de sa maison, sur une grande terrasse clôturée au cœur de laquelle se trouve un magnifique studio en bois aménagé durant la pandémie.
Samian porte plusieurs chapeaux : rappeur, acteur, conférencier et auteur. Il y a 18 mois, comme tous les autres artistes, il a vu ses activités s’arrêter abruptement. Ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre ses conférences à distance, de fonder sa propre compagnie de disques, Nikamo Musik, et d’écrire un nouvel album.
Tracer son propre chemin
« L’industrie de la musique est malade. Des choses doivent changer, des mentalités aussi. J’en avais assez de me faire dire ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, que les choses doivent être faites d’une certaine façon. Parfait, si tout le monde veut aller dans le même sens, je vais aller de l’autre côté. » Plus d’indépendance et de liberté, c’est ce que Samian est allé chercher en fondant sa propre compagnie de disques. Plus jeune, le rappeur a lu une phrase qui l’inspire toujours aujourd’hui et qui le guide dans ses décisions : « Il y a juste les poissons morts qui suivent le courant. » Avec Nikamo Musik, il a voulu faire les choses à sa manière.
C’est aussi ce qu’il a réalisé avec son 5e album, lancé vendredi dernier à la place des Festivals, à l’occasion du 31e festival Présence Autochtone. Pour la première fois de sa carrière, l’artiste présente sur cet opus plusieurs chansons entièrement en langue anishnabe.
Jusque dans les manuels d’histoire
Le rap a commencé par l’écriture pour Samian. Dès l’âge de 12 ans, il a commencé à écrire des poèmes. C’était sa manière bien à lui d’échapper à une réalité difficile. « Enfant, j’ai grandi sur une réserve. Je suis métis, donc quand j’étais sur la réserve, les jeunes me battaient parce que pour eux, j’étais un Blanc. Et quand j’arrivais en ville chez mon père, les jeunes me battaient aussi. » L’artiste arrivait difficilement à trouver sa place.
Plutôt introverti, il se servait de l’écriture pour explorer son identité. « Ça fait 26 ans que j’écris de la poésie et j’apprends encore des choses sur moi. » À la base, l’écriture lui permettait d’en apprendre plus sur lui-même. Puis, au fur et à mesure, c’est devenu bien plus grand. Aujourd’hui, certains de ses textes sont étudiés dans les écoles secondaires, et même dans les cégeps et les universités. « Je suis dans des manuels scolaires de niveau que je ne suis même pas allé! », lance Samian en riant.
Plus jeune, l’artiste a abandonné l’école, puis y est retourné plus tard, aux adultes, pour terminer son secondaire. À présent, il en parle avec transparence et offre des conférences dans les écoles pour partager son expérience aux élèves.
« Il y a beaucoup de jeunes dans les écoles qui, malheureusement, se sentent inférieurs parce qu’ils sont différents. Mais au contraire, ces jeunes-là n’ont pas encore compris la force et l’avantage qu’ils possèdent. C’est à eux que je m’adresse. »
Humilité et reconnaissance
Toute sa vie, Samian s’est donné pour objectif de tracer son propre chemin, ce qu’il continue à faire avec détermination encore aujourd’hui.
Vers la fin de l’automne, il reprendra le tournage de la série documentaire En marge du monde. Au printemps, il souhaite poursuivre la tournée de son nouvel l’album, pour lequel il a beaucoup d’espoir. « Je pense qu’on a beaucoup de route à faire avec l’album, beaucoup de choses à dire. » Il y a aussi un grand intérêt, autant au Canada, qu’aux États-Unis et même en Europe.
C’est avec humilité qu’il repense à son parcours et entrevoit son avenir. Il est très reconnaissant de la place qu’il occupe. « Ça fait 15 ans que je fais ce métier-là et c’est un privilège d’être encore ici, 15 ans plus tard. Et j’espère être encore là dans 15 ans et faire ce que j’aime. »