Madeleine Lefebvre est doctorante à l’UQO et conseillère municipale. (Crédit photo: Courtoisie)

Comment nos élus municipaux s’informent-ils?

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

De la protection de l’environnement au développement urbain, en passant par la gestion quotidienne, les élus municipaux ont beaucoup de décisions à prendre. Comment s’informent-ils? Ou plutôt, à qui se réfèrent-ils avant de prendre leurs décisions? C’est le sujet de recherche de Madeleine Lefebvre, doctorante à l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Mme Lefebvre a participé à l’étude exploratoire du rapport aux savoirs des élu.es des petites municipalités québécoises, de l’organisme Communagir. Les élus ont été sondés sur leurs sources d’information.

« On a réussi à avoir 106 répondants. Ce n’est pas énorme, et ce n’est pas assez pour généraliser. Mais ça éclaire des tendances, et ça soulève beaucoup de questions », nuance la chercheuse.

Mme Lefebvre est aussi conseillère municipale à Maniwaki depuis cinq ans. « Les défis que j’étudie au niveau théorique, je les voie aussi de l’autre côté, au niveau pratique. »

L’appareil municipal

Parmi les répondants, 68 % disent consulter « des employés de la municipalité ou des documents qu’ils produisent ». « C’est normal : il n’y a rien de surprenant », précise Mme Lefebvre.

Elle rappelle que les conseillers municipaux des petites municipalités occupent leur poste à temps partiel. « Pour les élus des grandes villes, c’est leur emploi. Ils font ça à temps plein. C’est complètement différent des gens qui font ça comme un engagement communautaire. » Ce sont 49 % des répondants qui y consacrent moins de dix heures par semaine. Pour 32 %, c’est entre dix et vingt heures.

Plus de 80 % des élus municipaux du Québec exercent leur fonction dans une municipalité de moins de 5 000 habitants.

Ainsi, l’appareil municipal est essentiel au bon fonctionnement de nos gouvernements de proximité. « Les élus consultent beaucoup les fonctionnaires municipaux. » Pourtant, déplore la chercheuse, leur travail n’est pas souvent valorisé.

« C’est rare qu’on entende : « Moi plus tard, je veux travailler pour ma municipalité. » Pourtant, c’est un super beau milieu, hyper stimulant. Il y a plein d’emplois au sein des municipalités, dans tous les domaines. Et comme partout, il manque de personnel. »

Consulter

Les décisions de nos élus affectent cependant tous ceux qui forment nos communautés : les gens d’affaires, les organismes communautaires et, bien sûr, les citoyens. « Je prône que les élus aient des antennes partout, dans tous les groupes », insiste la doctorante.

Toutefois, seulement 9 % des répondants disent consulter leurs citoyens. « Est-ce qu’ils consultent vraiment des citoyens en général, ou plutôt des citoyens qu’ils connaissent? », se demande aussi Mme Lefebvre.

Quant à eux, les organismes communautaires sont consultés par 8 % des répondants. Toutefois, la proportion est à 13 % chez les femmes et à un maigre 3 % chez les hommes.

Là non plus, Mme Lefebvre n’est pas surprise. « Quand les conseillers sont élus, ils se font proposer d’office des dossiers. Et souvent, on propose aux femmes de s’occuper des loisirs, du développement communautaire et de tout ce qui est social. Aux hommes, on laisse les travaux publics. Ce sont de gros stéréotypes. On espère que c’est en train de changer, mais il y a encore ces tendances. »

Pour les gens d’affaires, ce sont 10 % des répondants qui disent les consulter.

Mme Lefebvre déplore aussi le peu de liens entre les milieux municipal et scientifique. « Les élus auraient confiance en la science : ce n’est pas l’enjeu. Mais ils disent ne pas connaître d’outils utiles pour eux. Et je dirais qu’ils ont raison. La plupart des outils qui sont mis à leur disposition sont mal adaptés à la réalité des petites villes. »

Il y a cependant une volonté des deux côtés de bâtir des ponts, se réjouit Mme Lefebvre. Par exemple, l’UQO a un Observatoire du développement de l’Outaouais.

« C’est un beau mécanisme pour faire dialoguer les élus et les gens du milieu universitaire. » Toutefois, il n’existe pas encore d’organisme semblable pour les Laurentides.

Influence

Selon la chercheuse, les élus consultent donc une variété de sources pour s’informer. Et parmi elles, les fonctionnaires municipaux sont peut-être les plus influents. « Les élus sont capables de prendre des décisions par rapport à l’étalement urbain, par exemple. Mais ça prend du temps. Lorsqu’il vote au conseil municipal, un élu n’a pas eu 30 heures pour se pencher sur le dossier. Il doit se fier beaucoup à l’opinion de quelques personnes. C’est un défi pour la démocratie. »

Les sources de financement des municipalités ont aussi une grande influence sur les décisions.

« La grande majorité vient des impôts fonciers. C’est sûr que ça met les municipalités dans une drôle de situation. Elles ont plus de responsabilités, comme la
lutte à la pauvreté, la rétention de la main-d’œuvre, l’accueil des immigrants, la sauvegarde des espaces verts, etc. Mais elles doivent aussi prendre des décisions qui leur nuit financièrement, comme construire moins de maisons pour se densifier »
, illustre celle qui est aussi conseillère municipale.

L’étude Rapport aux savoirs des élu.es des petites municipalités québécoises est disponible sur le site communagir.org, dans l’onglet Contenus et outils, sous la rubrique Nos productions.

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