Maux d’enfants

Par Jean-Claude Tremblay

Chronique d’un X

par Jean-Claude Tremblay
jctremblayinc@gmail.com

J’étais sur la route, je vaquais à mon sport printanier de prédilection, le slalom de nids-de-poule, quand tout à coup à la radio, j’entends : « Les visites à l’urgence pour des idées et des tentatives suicidaires chez les jeunes de moins de 18 ans, particulièrement chez les enfants âgés de 5 à 11 ans, ont augmenté de 55 % depuis 2015. » Le dos glacé et instantanément paralysé, j’ai entendu ma suspension se joindre à mon âme pour se fracturer dans un trou rempli d’une douleur difficile à qualifier.

En entrevue, l’urgentologue montréalais le docteur Burstein, coauteur de l’étude américaine, a confirmé qu’il observait le même phénomène ici, au Québec. Les souvenirs ont rapidement déboulé, et je me suis revu enfant, à certains moments névralgiques de ma destinée. Mon esprit a même douloureusement revisité de proches amis qui s’étaient enlevés la vie.
Mais d’où vient ce précoce mal de vivre qui pousse nos enfants à vouloir mourir ? J’ai su que certains auraient dit vouloir en finir, car « la vie serait plus simple pour leur entourage s’ils n’étaient plus là ». Comment en sommes-nous arrivés à ce point ?

Complexité et rythme de vie effréné

L’avènement des technologies, la pression de « performer », la mutation des valeurs et des mœurs, l’arrivée des « zéros sociaux », la glorification instantanée, et j’en passe… En fait, il y a 1 000 raisons pour lesquelles la société, le rôle de parent et celui de chérubin se sont complexifiés avec les années.

On ne veut plus que nos enfants restent des enfants, on veut les foutre à l’école à quatre ans, les mettre dans la machine à saucisse éducationnelle rapidement, et forger leur esprit selon le bon jugement du gouvernement. Connaissez-vous beaucoup de gamins qui ont un horaire libre, le loisir d’expérimenter, et de se la casser, afin de réaliser qu’il est normal et nécessaire d’échouer pour évoluer ? C’est bien beau militer pour le retour des « animaux élevés en liberté », mais faudrait peut-être revoir nos priorités.

Le suicide… un coup de tête ?

À mon humble avis, penser à cette « solution permanente à un problème temporaire », ça ne s’improvise pas. Des réprimandes disproportionnées par ici, de violentes disputes entre parents par-là, des écoliers qui t’ignorent ou t’insultent chaque jour, de l’intimidation tolérée par une directrice d’école, des difficultés à socialiser jumelées à certaines prédispositions : c’est l’accumulation de facteurs qui semble être souvent fatal.

L’écoute active

On l’oublie vite, mais l’écoute, c’est la forme d’attention la plus primaire et de loin la plus importante. En clair, ça veut dire mettre son téléphone ou sa besogne de côté quand l’enfant nous parle. Ça veut dire lui demander avec tendresse comment s’est passée sa journée, même lorsque vous vous sentez un peu ignoré. Ça veut dire l’aider à se connaître lui-même, l’encourager à nommer ses sentiments, l’amener à découvrir ses propres intérêts et développer ses multiples talents. Il faut ultimement lui démontrer combien il est important, en prêchant par l’exemple, idéalement.

Ça veut dire aussi et surtout, que si on se sent démuni face à cette complexe parentalité, on doit se faire accompagner. De l’omnipraticien aux précieuses ressources publiques en CLSC, jusqu’au pragmatique doc Monzée et ses collègues au privé, de grâce, il ne faut pas hésiter à consulter, en toute humilité.

Chaque matin qui vous est prêté, donnez-vous l’objectif de poser au moins un geste susceptible de stimuler l’estime d’un enfant dans la journée. Un sourire bienveillant, un compliment bien senti, tous les bons coups sont permis. Vous allez constater qu’en posant la tête sur votre oreiller le soir venu, après avoir procédé à votre traditionnelle revue, vos petits malheurs vont céder leur place à une vaste chaleur – celle d’une gratitude qui vous rappellera que donner de l’amour à autrui, c’est aussi l’antidote à vos propres soucis.
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Ressources

Ligne d’écoute et de prévention du suicide
1 866-APPELLE (277-3553)

Jeunesse, J’écoute
www.jeunessejecoute.ca
1-800-668-6868

Tel-Jeunes
www.teljeunes.com
1-800-263-2266

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