Les enfants en otages
Par Mimi Legault
Le convoi des camionneurs pour la liberté est venu me chercher sous l’angle des enfants présents dans la foule; certains n’ayant pas encore le nombril sec. D’autres ont servi de boucliers humains. Juste d’écrire ces mots en 2022 m’horripile et me rend l’âme rugueuse. J’aurais aimé davantage de mains levées, j’aurais apprécié des oh et des ah, j’aurais applaudi devant chaque citoyen se crispant et se scandalisant d’une telle chose. Comme quoi il n’y a pas que dans les guerres que les enfants servent de chair à canon.
Et pourtant, quelque chose me disait que c’était dans l’ensemble de bons parents qui, lorsqu’ils sortent, amènent leurs petits avec eux. Rappelez-vous, c’est toujours d’une minorité dont on parle, c’est quand même trop.
Ça me fait penser à cette jeune maman qui, lors du printemps érable, avait manifesté avec son jeune poupon attaché sur son ventre. Elle avait crié sa colère à grands coups de cuillères sur une casserole. À la question du journaliste horrifié devant autant de fracas pour ce nouveau né, elle avait répondu en souriant béatement : je lui ai mis des bouchons…
Dernièrement, j’ai passé une IRM (imagerie par résonance magnétique). C’était la première fois et la dernière, je le souhaite bien. On vous fait entrer dans un genre de tube métallique et là, un bruit infernal incessant vous assomme pendant une demi-heure. Dans les premières minutes, j’ai pensé être attaquée par une masse ou un marteau-piqueur. Je m’étais rendue à cet examen en sifflant; en revenant, ce sont mes oreilles qui sifflaient. Curieusement, pendant que j’étais au bord d’une crise de claustrophobie, j’ai pensé à ce bébé dont la mère frappait sur la casserole à côté de ces jeunes oreilles.
Des enfants en otages, il y en a de toutes les sortes. Tenez, il y a un problème majeur dans le hockey mineur. Tiens comme ça se dit bien… Celui des parents qui tiennent des propos violents et haineux contre l’arbitre, contre l’entraîneur et même contre leur propre enfant. Je me souviens d’un élève hockeyeur de ma classe qui m’avait demandé de parler à son père parce que ça le gênait de l’entendre hurler des âneries dans les estrades. Si ça se trouve, il n’y aura plus d’arbitres pour officier les rencontres…ils seront bien avancés!
Les enfants ont davantage besoin de modèles que de critiques. Votre bambin est comme un essuie-tout, il vous observe et absorbe vos paroles et vos faits et gestes. Un jour, le père de mon petit ami du moment s’était écrié après que son fils eut prononcé un gros mot : « Crisse, je ne veux plus t’entendre sacrer, compris? » Vous imaginez un personnage épais dans le plus mince? Vous vous trompez, c’était un avocat très prisé du canton, plus tard nommé juge…
Au risque de me répéter : un enfant n’obéit pas, il imite. C’est un ara grandeur nature. Ou si vous préférez, les enfants sont comme du ciment encore humide, tout ce qui les touche laisse une marque. Durant son enfance, l’enfant éponge gobera et une totalité de sottises et quelques vérités de bon sens. Rendu à l’adolescence et même à l’âge adulte, ce sera à lui de désosser cette carcasse d’os et de chair tendre que l’on peut nommer l’éducation. En attendant, les enfants paient la facture des bêtises qu’ils voient et entendent pour plus tard la refiler peut-être à leurs propres héritiers.
Que dire de ce virusse qui compromet désormais la paix mondiale et qui fauchera des milliers de gens, peu importe qu’ils aient un mois ou 92 ans? Parce que le drame de l’espèce humaine, c’est qu’une guerre sur le point d’éclater semble toujours nécessaire et inévitable. Vingt ans plus tard, on s’aperçoit qu’elle était vaine et aurait pu être évitée. Comme l’humoriste Coluche disait : l’horreur est humaine. Et cela depuis la nuit des temps. La preuve : un homme des cavernes qui dit à un autre, d’abord des roches, puis des bâtons et des haches et maintenant des arcs; je te le dis, j’ignore où nous mènera cette course aux armements…
Je vous laisse sur cette pensée hélas véridique, elle vient de John F. Kennedy : « L’humanité devra mettre un terme à la guerre ou la guerre mettra un terme à l’humanité. »