Transpartisanerie et priorités

Par Jean-Claude Tremblay

223 millions de plus sur cinq ans pour prévenir la violence conjugale et freiner la série de féminicides – « C’est un plan d’urgence », a dit la Vice-première ministre (VPM), lors d’une conférence de presse ultra-scriptée, mais non sans une certaine sincérité.

À ses côtés, une collègue ministre de la Condition féminine, une adjointe parlementaire, ainsi que deux autres femmes issues des secteurs d’aide et d’hébergement pour femmes. Sur la tribune, cinq femmes…et pas un seul homme. Est-ce qu’on est passé à côté d’une occasion d’envoyer un message clair que la violence faite aux femmes…concerne directement les hommes, et qu’ils devraient de facto être inclus, car ils font partie du problème…et aussi de la solution ?   

Ton politique… ou électoraliste ?

On a assisté à une danse complexe de mots administratifs parfois vide du genre « coordination » et « action concertée » – le genre de termes vanillés, surutilisés dans cette conférence de presse, et c’est bien ce qui m’inquiète, car je ne suis pas sorti de là avec un message clair de qui était imputable de quoi.

On l’aura compris, le PM a envoyé l’ex-responsable des communications devenue VPM du Québec pour calmer le jeu, là où sa collègue de la condition féminine avait jusqu’ici échoué. Il faut comprendre que 10 féminicides, ça pèse dangereusement lourd sur l’opinion publique, et on n’a pas voulu prendre de chance, en faisant manifestement appel à des Spin Doctors politiques, pour la mise en scène de cette conférence de presse.

Ce qui m’amène à dénoncer certains « messages » agaçants, martelés à outrance lors de cette importante annonce. « Notre gouvernement a bien fait ceci et cela », « notre gouvernement a immédiatement agi », « le gouvernement de la CAQ est responsable », et la grande finale : « je suis fière de notre gouvernement ». Avec tout le respect que j’ai pour la VPM, j’ai trouvé que ça faisait (très) épais de beurre sur la toast.  Nous ne sommes pas (encore) en élection, et dans l’état chaotique où se trouve le moral collectif présentement, j’aurais opté pour la sobriété, et misé sur la transpartisanerie. La violence faite aux femmes, c’est une obsession que l’on devrait tous partager : tous les partis auraient dû être autour de la table, et une personne aurait dû être responsable et maître d’œuvre.

J’aurais opté pour la sobriété, et misé sur la transpartisanerie

Action réaction…ou réaction à l’action ?

Évidemment, plus de fonds dans des ressources de premières lignes (aide et hébergement) pour aider les femmes aux prises avec cet enfer de violence sont essentiels, mais ne sommes-nous pas encore une fois train de réagir, au lieu de prévenir ? Je sais que le dossier est lourd et complexe, mais comment se fait-il que l’on n’insiste pas plus sur des mesures concrètes et immédiates visant les hommes, qui sont à l’origine de la plupart des cas de violence envers les femmes ?   

J’ai parfois l’impression que le modus operandi gouvernemental est souvent semblable d’un milieu à l’autre, comme par exemple dans la crise dans les CHSLD, ou encore en matière de violence à l’école, où l’on isole souvent l’intimidé, pendant que l’intimidateur, lui, reçoit une tape sur les doigts et à ses occupations peut vaqué – opportunité manquée d’outiller la personne agressée pour la rendre autonome, et d’enseigner à l’agresseur la maîtrise de ses émotions. Ajouter des places vers lesquelles des femmes peuvent se réfugier de manière sécuritaire est vital, mais ça ne règle pas le problème de fond, sans compter que pendant ce temps, l’homme est souvent chez lui avec sa liberté et n’est pas contraint à se questionner : suis-je le seul à voir ça comme une dangereuse aberration ?   

Le jour où l’on décidera de prendre le taureau par les cornes (pour ne pas dire par autre chose), que l’on choisira de réformer et de responsabiliser, il sera permis d’espérer que le mot « imputabilité » fasse son entrée dans la société.  Ça commence par l’estime de soi des femmes (et de jeunes filles), l’accompagnement systématique des hommes, et la formation obligatoire à l’école, notamment pour nos garçons.

Cessons de traiter les symptômes, et attaquons-nous à la maladie – la genèse, il nous faut urgemment la revisiter.

Groupes de parole et d’écoute pour hommes :  Sans frais : 1 877 908-4545 / www.hommesquebec.ca
Services d’aide aux hommes et adolescents (comportements violents) 1 877-460-9966 / www.accroc.qc.ca
SOS violence conjugale :  1 800 363-9010 (ligne sans frais 24/7) / www.sosviolenceconjugale.ca   

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