Crise = danger + opportunité
Par Rédaction
Pascale.lortie@live.fr
La crise du coronavirus a des répercussions jusqu’en Arctique. Le 7 mai dernier, une centaine de personnes (chercheurs, commanditaires, médias, Joss Stone, famille, amis, ma fille Charlotte et moi) devaient monter à bord du Hurtigruten amarré à Longyearbyen, Svalbard. Destination : le Bamsebu. Mission : récupérer Hilde et Sunniva au terme de leur expédition de neuf mois dans l’Extrême-Arctique. Le voyage a dû être annulé.
Au fil de leurs carrières et durant cette expédition polaire, nos deux exploratrices ont dû affronter maintes épreuves, mais c’est avec désarroi et compassion qu’elles ont appris que c’est maintenant la planète entière qui doit recalibrer sa boussole et se réorienter collectivement.
Hilde et Sunniva ont décidé de demeurer dans leur petite cabine et de poursuivre leur mission scientifique, le temps de laisser passer la tourmente. Il faut dire qu’en matière d’isolement, elles ont de l’expérience. Elles ont traversé la nuit polaire, avec ses vents violents et ses congères géants bloquant la sortie. Souvent elles se sont retrouvées coincées à l’intérieur, mais elles savent mieux que quiconque que ce confinement est temporaire. Le vent finit toujours par se calmer suffisamment pour permettre de frayer son chemin.
Depuis près de neuf mois, elles observent attentivement les changements dans leur environnement, s’y adaptent et se préparent à l’imprévisible, qu’il s’agisse d’un blizzard, d’un ours polaire ou d’un bris d’équipement. Elles se déplacent à pied, en bateau et en motoneige Lynx. Pas d’épicerie, zéro shopping. Leur énergie provient du soleil et du vent. Le bois ramassé sur la grève environnante est leur seule source de chaleur. L’eau provient de la glace et de la neige. La vie au Bamsebu est lente, soumise aux éléments naturels.
La tornade contagieuse qui afflige le reste de la planète est bien différente des tempêtes polaires, et apprendre à vivre lentement s’avère tout un défi en ce monde frénétique où les bouleversements sont rapides, soudains, inquiétants. Mais c’est peut-être un mode de vie qui nous convient davantage et répond mieux à nos véritables besoins.
La crise humaine du coronavirus s’apparente étrangement à la crise climatique (elles sont d’ailleurs probablement liées). Toutes deux mettent en lumière à quel point notre monde est interconnecté et les répercussions qu’ont sur l’avenir les choix que nous faisons aujourd’hui. L’une comme l’autre, ces crises nous concernent tous. L’alarme s’est déclenchée il y a longtemps concernant le réchauffement climatique et ses impacts économiques, écologiques et humains. Nous connaissons la voie à suivre, mais elle implique un leadership fort, un juste partage des ressources et une entraide planétaire. Le changement ne se produit jamais du jour au lendemain, mais il commence par chacun de nous.
Dans la langue chinoise, le mot « crise » est composé de deux caractères, l’un représentant le danger et l’autre, l’opportunité.
Sunniva et Hilde ont choisi de s’isoler pendant neuf mois pour mieux comprendre les changements du climat et de la biodiversité. Elles ont choisi cette existence minimale pour mettre en évidence les changements, éduquer et inspirer une reconnexion à notre environnement et notre nature profonde.
Nous, par contre, nous n’avons pas choisi le coronavirus ; c’est plutôt lui qui nous a choisis. Néanmoins, nous avons tous un rôle à jouer. Le vôtre n’est peut-être pas celui de votre voisin, mais nous sommes tous membres de la même expédition mondiale et chaque comportement, geste et choix que nous faisons a un impact sur la collectivité.
Et si cet isolement imposé autour de la Covid-19 nous donnait l’occasion de sortir plus forts, plus connectés les uns aux autres, mieux informés et avec une plus grande conscience de nos habitudes et de la façon dont nous nous engageons au quotidien? On s’en rend compte aujourd’hui, la Terre se porte beaucoup mieux en ces temps où l’activité humaine est grandement ralentie. L’air se purifie, la nature reprend ses droits, même l’activité sismique a chuté de façon spectaculaire ! Une pause bien méritée pour notre petite planète bleue et aussi une démonstration flagrante de sa capacité à rebondir et à se régénérer. Nous souviendrons-nous de l’impact du change-ment de nos habitudes de vie une fois le confinement levé ?
Nous ne sommes que d’humbles visiteurs sur cette précieuse planète – nous ne possédons rien et sommes probablement son maillon le plus faible. Lorsque nous pourrons à nouveau nous déplacer libre-ment et profiter de tout ce que Mère Nature nous offre, faisons-le de façon plus consciente et respectueuse des merveilles qui nous entourent et dont dépend notre survie.
“Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.”
– Marcel Proust