De ma petite enfance à la désolation

Par jocelyne-cazin

Quand je passe devant le 22 rue Lafleur à St-Sauveur, j’ai le cœur qui se déchire. Ce que je vois me semble surréaliste, impossible, un mauvais rêve.

Que me valent de telles émotions?

Cette petite phrase assassine gravée sur le panneau de l’agence d’immeubles: «Reprise de financees» me frappe comme un verdict de culpabilité. Ces trois mots en disent long sur la dernière vie de cet immeuble. Vous vous grattez encore la tête et vous vous dites: «En quoi est-ce que l’édifice qui abritait le restaurant Allegria intéresse Jocelyne Cazin?». Fut un temps, j’étais assez fière de dire à quicon-que que j’avais grandi dans cet immeuble; une réalisation de mon père. Il a construit le premier restaurant français de St-Sauveur des Monts pour ma mère devenue alors restauratrice. De 1954 à 1976 Annick Cazin a offert à ses clients, de plus en plus nombreux à mesure que les années défilaient, bœuf bourguignon, escalope de veau sauce normande, ses tartes encore aujourd’hui recherchées, son célèbre pâté de foie de volaille et bien d’autres plats, qui à la seule pensée, nous donnaient l’eau à la bouche. Et dire que j’adorais aller chez la voisine Monique Charrette pour y déguster un bon pâté chinois!! Puis, le Petit Coin de France a fait place au Kindly, un restaurant suisse tenu de main de maître pendant plus de 20 ans par William Waldron et son épouse.

Quand on voit trop grand

La troisième génération de restaurateurs au 22 rue Lafleur a lamentablement échoué. Le propriétaire du restaurant Allegria, Franco Farjiojio, a vu grand, beaucoup trop grand. De toute évidence, il n’était pas à la hauteur de ses ambitions. Frank, comme aimaient l’appeler certains de ces clients, n’a pas é-couté l’âme des murs qui lui aurait prescrit une reprise de succès plutôt qu’une reprise de finance. Ce qui aurait pu être un fleuron de la gastronomie italienne à St-Sauveur ressemble aujourd’hui à un immeuble squatté par le malheur.

Hommage à René de La Gascogne

Lorsqu’on arrive à St-Sauveur, on est frappé par l’abondance de restaurants de tous genres. Une centaine, me confirme le directeur de la Chambre de Commerce, Pierre Urquart. Avec ce grand nombre, peut-être n’avez-vous pas remarqué la fermeture de l’un des plus anciens, La Gascogne? Lorsque René Casse a ouvert son resto il y a 35 ans, il implorait amicalement la fermeture du Petit coin de France. C’est à son tour de mettre la clé sous la porte. Son départ me désole, car si j’ai bien saisi, les circonstances ne sont pas tellement heureuses. Je me souviens de ces moments uniques en compagnie de René autour d’une Prunelle de Bourgogne à refaire le monde après avoir savouré son délicieux carré d’agneau, un plat qui n’avait rien de québécois à l’époque! Repose-toi bien René, tu le mérites! Va donc faire un tour chez ma mère, elle savoure sa retraite depuis plus de 30 ans. Elle pourra te partager une recette, celle du bonheur! Ne passe surtout pas devant le 22 rue Lafleur, tu aurais aussi comme moi de la peine!
«Aidons la culture» ou «Et la culture elle??»

On a beaucoup parlé de la culture ces dernières semaines, surtout pour critiquer son monde. On a traité les artistes de bébés gâtés qui réclament sans cesse de l’argent pour mieux avancer dans les arts, quels qu’ils soient. Dans les Laurentides, de St-Sauveur à Prévost, de St-Jérôme à Mt-Tremblant en passant bien sûr par Val-David, chaque activité se vend avec un artiste en poche. Pas un organisme, pas une entreprise, pas une œuvre de charité ne peuvent rêver d’un succès sans son artiste invité. Et vous! vous déplacez à la condition d’y voir l’artiste. On a besoin des artistes et eux ont besoin de finan- cement public pour continuer à nous amuser, à nous instruire, à nous détendre. Vous ne le savez peut-être pas, mais il arrive fréquemment qu’un artiste prête son talent à un événement sans même voir la couleur d’un seul huard. Je m’ouvre une porte pour vous inviter ici à venir célébrer les 40 ans des Belles Sœurs au Théâtre du Rideau Vert le 9 novembre prochain. Avec des comédien-nes? NON! Mais des femmes connues qui acceptent pour le temps d’un jeu de faire contre-emploi en lisant, sous la supervision de Mme Denise Filiatrault, ce remarquable texte de Michel Tremblay. J’étais à ré- péter mon rôle en compagnie des Louise Beaudoin, Suzanne Lé- vesque, Monique Giroux, Dominique Poirier, Marie-Hélène Thi- bert, Arianne Moffatt et les autres et je considérais la scène surréaliste: Jocelyne Cazin en belle sœur pour la bonne cause! celle du théâtre, celle des artistes! Pourquoi pas un petit geste pour la survivance d’une culture!

Théâtre du Rideau Vert: 514-844-1793

Deux représentations seulement: 16h et 19h30 le 9 novembre.

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