La catastrophe appréhendée
Par pierre-schneider
Croissance économique et environnement
Je recycle, tu compostes, nous protégeons nos espaces verts, nous tentons de moins polluer pour sauver notre belle région des Laurentides, ainsi que toute la planète, mais il semble bien que ça ne suffit pas et que nous nous dirigeons vers un mur: celui érigé à la gloire de la croissance économique à tout prix. -Pierre Schneider
Pourquoi le mouvement environnemental aurait-il lamentablement échoué? L’ex-environnementaliste Harvey Mead, ex-commissaire au développement durable québécois fait un constat brutal et dérangeant en affirmant qu’il est maintenant trop tard pour espérer s’engager dans un tel développement et trop tard pour éviter le pire.
Bien des lecteurs vont sûrement sursauter en prenant connaissance de cette thèse pessimiste, mais je pense qu’il vaut la peine d’examiner les propos tenus récemment par cet écologiste renommé.
Les gens ne sont pas conscients, selon Mead, que l’économie mondiale se dirige tout droit vers une paralysie totale, ce qui avait été écrit par le Club de Rome au début des années 70. On y avait alors estimé l’atteinte d’un point de rupture aux alentours de 2025-2030 en prédisant qu’après cette date l’augmentation des prix de l’énergie, des autres ressources non renouvelables et de l’alimentation allaient plomber l’économie mondiale, voire provoquer un déclin démographique.
Celui qui fut premier sous-ministre québécois au développement durable est un Québécois d’origine américaine qui a beaucoup lutté en faveur du recyclage, du compostage et du concept de développement durable. Mais aujourd’hui il refuse qu’on le décrive comme un environnementaliste car il déclare avoir échoué.
Le problème, explique-t-il dans son blogue (harveymead.org) c’est que le changement de paradigme n’est jamais survenu et que le seul objectif qui prévaut encore aujourd’hui est celui de la croissance. En effet, n’entend-t-on pas de toutes parts, tant chez les économistes que chez tous les politiciens, que seule la croissance peut nous permettre d’éviter la catastrophe de l’effondrement de notre système?
Il cite le président américain Barack Obama, celui de la France, François Hollande, et même le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, grand critique du PIB, qui n’arrivent pas à se libérer de ces ornières intellectuelles de la croissance à tout prix.
«Actuellement, environnement et économie sont fondamentalement irréconciliables», affirme celui qui soutient que les environnementalistes font fausse route en croyant concilier environnement et croissance économique via une révolution industrielle verte. «Il est trop tard, on n’a plus le temps», constate-t-il.
À ses yeux, même la dématérialisation de nos économies par le développement des technologies numériques ne se fait pas sans consommation toujours plus grande d’énergie fossile. Et, avec la rareté de ces énergies, les prix ne peuvent qu’augmenter jusqu’à ce que ce soit vraiment trop lourd.
«Vous vous souvenez quand le prix du baril de pétrole est monté à 148$ en 2008? Tous les secteurs ont été touchés et il y a eu des émeutes car beaucoup de gens avaient faim», note-t-il.
Actuellement, les grandes institutions économiques mondiales réalisent que l’atteinte des cibles fixées en matière de réduction de gaz à effet de serre sont irréalistes. Surtout quand des gouvernements, comme celui de Stephen Harper, décident de revenir sur leurs engagements (Kyoto) et d’encourager en les subventionnant à coups de centaines de millions les industries pétrolières de l’ouest du Canada.
Selon l’écologiste désillusionné, les scénarios de virages vers une économie verte arrivent hélas beaucoup trop tard. Le choc est inévitable et sera très dur. Ne reste plus, selon lui, qu’à tenter de sauver les meubles et de voir comment les pays riches vont gérer l’effondrement du système économique et social néo-libéral.
Le plus gros problème étant, bien entendu, le sort de quatre ou cinq milliards d’êtres humains qui vivent toujours dans la pauvreté…
Je recycle, tu compostes et, tous ensemble, nous tenterons quand même de faire mentir cet homme et son triste constat d’échec. Mais faudrait-il encore faire notre devoir citoyen en mettant au pied du mur ces inconscients qui nous gouvernent.