La décrépitude? Euh…

Par denyse-pinsonneault

J’écoute toujours la musique aussi forte, je bois toujours autant de vin, je n’ai toujours pas de cornes le lendemain matin, je chante à tue-tête dans mon auto, j’me couche souvent tard, j’me sens presque toujours aussi jeune, mais, il y a ce corps méconnaissable et ce visage qui, les deux, se flétrissent à vue d’œil…

Combien de fois depuis ma tendre enfance ai-je affirmé que le temps passait trop vite pour moi? À chaque lettre que j’écrivais, la même formule revenait toujours. «Maudit que le temps file à vive allure, excuse-moi d’avoir mis autant de temps à te répondre, j’me cours après la queue ces jours-ci et j’ne vois pas passer mes journées.» J’ai ressenti ce problème de la vitesse du temps qui passe à un très jeune âge. Tôt dans ma vie j’ai aussi compris que je ne contrôlerais pas ce grand voyageur et que je devrais m’adapter à sa façon de faire. Puis, le temps (encore lui) est venu pour moi de monter sur le carrousel et de commencer à tourner en rond, comme tout l’monde. J’ai donc emboîté le pas: Les amours, les peines d’amour, la survie, le travail, la famille, les courses à faire, les comptes à payer, le ménage, le lavage, la reproduction et j’en passe! Ce fût, à partir de ce moment: «Mange, pisse, pis couche!» comme le disait maman.

Rapidement, j’ai eu 20 ans, puis 30, puis 40. À 50 j’ai dit «pas déjà» et je vous annonce que mes 60 ans arriveront trop vite à mon goût dans le premier quart de 2011. Ces presque 40 années m’ont sauté au visage récemment quand j’ai retrouvé (sur internet – donc pas de danger pour ma vertu) un vieil amour des temps d’avant que j’avais dû quitter quand j’avais 19 ans. Le choc a été complet quand lui et moi nous sommes rendus compte que 40 ans avaient passé depuis notre dernier baiser «torride». Il est sauvé par le fait qu’il vit à Vancouver, car, je l’aurais bien, à nouveau, passé à la casserole celui-là, marié ou pas. Ce grand ténébreux n’a pas d’égal sur terre, je vous l’jure!

Toujours est-il que j’me console, j’ai quand même eu une vie passablement heureuse, une fille formidable, deux petits-fils tannants mais adorables et très intelligents et des moments de grâce qui auraient dû durer toujours. J’ai parfois eu certains déboires et quelques grandes tristesses mais, la génétique m’a dotée d’un moral d’acier, et j’me relève toujours, j’me retrousse les manches et j’avance. Oui, il y a bien eu des jours et des soirs de grande tempête mais le beau temps revenait toujours.

Devant cette nouvelle décennie qui arrive à grands pas, je suis par compte un peu perplexe. Mon âme a évolué, mon cœur a compris beaucoup de choses qu’il aurait aimé connaître à 19 ans et je peux dire que je suis en paix avec ce qu’ils sont devenus et aussi avec ce que je suis maintenant. Mais… je me souviens des jours quand papa me racontait comment il sursautait, à chaque fois qu’il arrivait devant un miroir. Il me disait le choc et l’incompréhension qu’il vivait devant ce vieux visage et ce vieux corps décrépits, son vieux véhicule sur terre d’alors, lui qui avait les idées si claires, une excellente mémoire et une telle force physique malgré son âge avancé et sa grande maigreur.

À cette époque, il me semblait que la possibilité que ça m’arrive à moi était tellement lointaine, presqu’inimaginable. Je prendrais bien soin de ne pas devenir vieille comme ça, moi… Le tourbillon de la vie est impitoyable.

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