Les yeux fermés bien durs

Par pierre-schneider

Nous avons tous entendu avec effroi et indignation les témoignages qui, devant la commission d’enquête sur l’industrie de la construction, nous révèlent à quel point nos systèmes politiques peuvent devenir corrompus et contribuer ainsi à la mise à mort de la démocratie. 

Car lorsque des individus avides et cupides comme Gilles Cloutier dévoilent publiquement comment ils ont contribué à de multiples reprises, dans plusieurs municipalités de la région, à faire des élections clés en main (tu payes et tu es élu, c’est certain), on peut pointer du doigt la bête en réclamant sa tête. Mais ces faiseurs d’élections et falsificateurs de référendums ne sont que la pointe d’un iceberg constitué de centaines d’élus, de fonctionnaires et de firmes aux mœurs illicites sans lesquelles ils ne pourraient se remplir goulûment les poches.

Tout le monde prétend à la vertu quand chacun pratique le vice de forme. Il y a là une incongruité qu’il faudrait tenter de s’expliquer pour extirper le mal qui sape toutes les bases des volontés populaires s’exprimant dans les élections.

Quand on constate que ce sont toujours les puissances occultes de l’argent sale qui contrôlent les résultats de plusieurs élections dites démocratiques, quand on constate que les magouilles ne sont plus l’exception mais sont bien ancrées dans les us et coutumes, il faut impérativement se demander ce que nous, les citoyens, pouvons faire collectivement pour mettre fin à ce système dont les égouts débordent.

Il me semble qu’il nous faut d’abord exiger – non pas demander, mais bien exiger – que tous ceux qui ont profité de ces collusions et corruptions, à tous les niveaux, remboursent immédiatement toute somme d’argent ayant servi à dénaturer notre système.

 Ce qui implique autant les partis municipaux (conseillers, maires, fonctionnaires), que ceux qui ont versé des sommes parfois importantes pour faire en sorte que le cochon de payeur de taxes n’en ait pas pour son argent.

<p>Tous doivent rembourser ou être bannis de leurs droits corporatifs ou même de celui d’être candidat dans une élection, à quelque niveau que ce soit! Vous voyez d’ici le grand ménage que ce juste retour des choses provoquerait… On a tellement banalisé ces escroqueries et manquements à toute éthique que je lisais qu’un préfet de comté des Laurentides trouvait tout à fait normal d’avoir accepté des invitations de la part de Roche, firme intéressée par les contrats publics! Comme des maires trouvent qu’accepter des bouteilles (pots) de vin de la part des fournisseurs de la ville soit dans l’ordre des choses! Allô les conflits d’intérêts et bonjour les malodorants copinages!

Nous ne pourrons pas vous croire, qui que vous soyiez, tant que vous ne rembourserez pas au Trésor public ce que vous avez donné ou reçu pour obtenir ou octroyer des contrats trop souvent gonflés. Il faut aussi se demander, à la lumière de toutes ces révélations, pourquoi des candidats aux élections municipales et provinciales dépensent tant d’argent pour être élus. Pensez-y bien. Qui est prêt à solliciter et investir des milliers de dollars pour «aller servir ses concitoyens»?

Nous sommes tous complices

Je m’en voudrais, au moment où j’apprends que le nombre de victimes de l’usine de vêtements du Bangladesh atteint plus d’un millier de morts, de ne pas souligner que nous sommes tous en quelque sorte complices de l’horreur de telles tragédies dues à l’incurie des multinationales qui ne pensent qu’à la maudite croissance de leurs profits. Même si pour y parvenir, ils mettent en danger la santé et la vie des centaines de milliers d’êtres humains qui vivent des conditions de travail effroyables dans des pays pauvres.

Les images que nous avons vues à la télévision ou sur internet étaient bouleversantes et elles nous ont tous profondément touchés.

Puis, nous sommes retournés à nos petites préoccupations quotidiennes. Le hockey, les emplettes du printemps, l’embellissement de nos terrains et les projets de vacances estivales.

Mais avons-nous pensé un seul instant à jeter un coup d’œil dans notre placard afin de vérifier la provenance de tous ces vêtements – griffés ou pas – que nous ne cessons d’acheter saison après saison parce que ce sont devenus des «objets jetables» puisque démodés rapidement et fabriqués dans le but justement de ne pas résister longtemps à l’usure normale?

Nous avons probablement tous des chemises, pantalons, t-shirts et autres jeans de marques populaires, des vêtements où l’on peut lire en très petits caractères «Made in Bangladesh».

Là où les salaires sont pas mal plus bas qu’en Chine. Là où les vautours qui nous habillent font de très bonnes affaires…

En les encourageant par notre consumérisme débridé, nous sommes tous complices. Nous qui avons les yeux fermés bien durs.

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