Lever le voile sur l’intégration
Le niqab a hanté nos médias cette semaine. L’histoire de Naïma Atef Amed, cette femme égyptienne qui refuse de délaisser son voile quasi complet dans le cadre de ses cours de francisation, a suscité de vives réactions au Québec.
Quand je vois la hargne et les débats qui fusent de partout depuis l’annonce de la nouvelle, j’ai un sentiment de tristesse et de peur. Peur qu’on généralise. Triste que l’image des immigrants soit salie. Je pense à tous les nouveaux arrivants que je côtoie depuis plusieurs mois dans le cadre de la réalisation d’un documentaire. Jour après jour, ils multiplient les efforts pour s’intégrer à notre société. Pour certains, rien de notre système ne s’apparentait à ce qu’ils avaient connu auparavant. Et pourtant, je les vois accomplir des miracles. Les cours de francisation au Cégep de St-Jérôme sont une mine d’or d’individus brillants et courageux qui ont majoritairement été forcés de quitter leur pays.
Andrea, avocate en Colombie, reprend d’ambitieuses études en droits après un an et demi en sol québécois. Moto, originaire du Rwanda, parle couramment français après un an ici et ce, malgré un passé douloureux dans un pays secoué par la guerre. Rose, ingénieure en Afrique, accumule petits boulots en attente de parvenir à son rêve: celui de travailler pour Bombardier. Mais bien entendu, ce n’est pas d’eux dont on aime parler à la télévision.
Qu’on se le dise, qu’on se le répète: le cas de Naïma ne représente pas une minorité. Non. Selon les experts en immigration, son cas est statistiquement nul. Il ne se calcule même pas tant il est exceptionnel. Par contre, il nous aide à créer des balises. En tant que société, nous nous entendons sur le fait que le port d’un voile intégral viole le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Tôt ou tard, notre société devait passer par tous ces questionnements et donner des réponses claires aux nouveaux arrivants. D’ailleurs, les cours de francisation sont des moments privilégiés pour transmettre les valeurs québécoises. Pour avoir fait quelques intrusions dans les classes du cégep de St-Jérôme, j’ai constaté que le travail (exceptionnel) des enseignants ne se limite pas à la leçon de français, mais se définit davantage comme de l’aide à l’intégration. Après un an à fréquenter ces classes, les élèves peuvent se débrouiller facilement dans notre système complexe.
Bref, dans un monde idéal, j’aurais aimé allumer mon téléviseur et voir la journaliste Anne-Marie Dussault me dire: «Aujourd’hui, une femme s’est vue montrer la porte de ses cours de francisation au Cégep St-Laurent. Elle portait le niqab. Bon. Nous sommes tous d’accord que de s’enfermer dans un vêtement porte atteinte à l’intégration sociale et professionnelle. De toute façon, la commission Bouchard-Taylor nous a donné largement le temps d’en parler. Discutons plutôt avec le directeur du Cégep St-Laurent pour qu’il nous dresse un portrait des centaines d’histoires d’intégration réussie à son collège…»
J’aimerais que tous puissent avoir accès à ces beaux récits et j’espère que le manque de coopération de certaines exceptions n’aient pas de répercussions négatives sur le regard porté sur les autres immigrants.
Et entre vous et moi, je suis davantage inquiète de voir nos immigrants oubliés leurs valeurs familiales de partage et de compassion au profit de l’individualisme collectif que de les voir nous imposer leur religion. Je pense que nous avons aussi beaucoup à apprendre d’eux.
Si le sujet vous intéresse, vous pouvez consulter le site de Julie Corbeil au www.cheztoichezmoi.ca. Il est possible de vous y prononcer sur la question de l’immigration de réfugiés dans les Laurentides…