Josée Pilotte

Deux filles, un hebdo

Par Josée Pilotte

D’abord, j’ai vraiment cru qu’il se foutait carrément de ma gueule. Mais comme je trouvais son accent à l’anglaise charmant, je l’ai écouté raconter sa salade jusqu’au bout. Si je me souviens bien, il disait avoir été impressionné par mon aplomb quand je m’étais adressée, via mon Espace griffé, à Pierre Karl Péladeau lors de la guerre des hebdos régionaux, il y a de cela quelques années. Ç’avait été la bougie d’allumage.

– « Tu me fais penser à ma femme Louise, me lance Richard Blackburn. Elle aussi n’a peur de rien, je suis certaine que vous allez vous entendre à merveille. »
D’abord, mettons les choses au clair : j’ai peur de toute… Mais encore?
– « Louise est l’une des meilleures cinéastes documentaristes au Québec et j’crois que l’histoire de votre journal et de votre combat mérite d’être contée… »
Euh… non, moi je ne vois vraiment pas ce qu’il y a à raconter d’intéressant…!
C’est comme ça que tout a commencé.
J’ai donc rencontré Louise Leroux. J’ai fini par dire oui à son projet de film documentaire. Et dès cet instant, je me suis mise à douter, et ce, jusqu’à la fin du projet. Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, pauvre elle… si vous saviez!
Je ne voyais pas et je ne comprenais pas la pertinence d’un tel projet et je persistais de le croire. « On fait rien d’extraordinaire, Louise, on fait juste un journal, semaine après semaine, depuis 17 ans (à l’époque). Qu’est-ce qu’il y a de bon à filmer dans tout ça? »
Elle me répondait calmement : « Laisse-moi faire ma job, Josée, tu verras… »
C’est très difficile pour moi les « on verra », mais je n’avais plus le choix. Nous avions dit oui, notre engagement signé en quatre copies. Elle a donc été ici durant les deux dernières années à filmer et à filmer des heures et des heures de notre quotidien.
Et là, le documentaire sort.
Pour vous dire la vérité, je ne voulais même pas le voir. Mais je n’avais pas le choix : soit je prenais mon courage à deux mains et je le regardais tout de suite, soit je regardais ma grosse face sur un écran de cinéma le soir de première, pis j’aurais braillé ma vie!
C’est donc vendredi dernier, toute seule, sans aucun regard sur moi, roulée en p’tite boule, que j’ai pesé sur Play et que j’ai visionné le film de Louise. Deux filles, un hebdo.
Au début, pour me distancer de la réalité, j’ai mis mes lunettes fumées. Ensuite, je me trouvais tellement nouille que je les ai enlevées. Ensuite, j’ai fermé un œil, car il me semblait que le choc de me voir à moitié semblait l’atténuer. Est folle de même la fille, que voulez-vous! Mais plus le film avançait, plus je me suis mise à lâcher prise (oui, encore le maudit « lâcher-prise »!), à me détendre et je me suis même surprise à sourire. Elle a même réussi à me faire brailler. Peut-être que c’était un surplus de nervosité aussi, allez savoir (je dis ça de même)…
Je ne sais toujours pas comment elle s’y est prise, mais elle a réussi à en faire un bon film. À décrire notre histoire – aussi banale qu’elle pouvait l’être à mes yeux. L’histoire d’un hebdomadaire en région, en plein tournant numérique, qui se bat, semaine après semaine, pour garder sa place. Un hebdomadaire, le mien, le vôtre aussi, qui croit encore à la pertinence de préserver la presse écrite – surtout en région. D’ailleurs, en passant, je vous invite fortement à lire – si ce n’est déjà fait – le texte de Brian Myles, directeur du Devoir, qui interpelle le gouvernement au sujet de l’urgence d’intervenir pour aider la presse écrite.
Bref, retournons à nos moutons. Avec sa caméra, Louise a tout capté : notre fragilité, mais aussi la passion et la ténacité qui nous animent. Et on en avait beaucoup à revendre.
En fait, je ne suis pas objective pour vous parler du film concrètement, car c’est comme si on avait filmé mon intimité. C’est vraiment ça. Je dois admettre que le film de Louise a su rendre un moment précis qu’a vécu notre journal et qui synthétise tellement ce que le monde vit actuellement : la révolution numérique qui a chamboulé notre rapport à l’information et le monde des médias. Mais si on creuse un peu la question, ce chamboulement va beaucoup plus loin que ça. Ébranlant jusqu’à nos valeurs de société.
Si j’avais une image simple à donner du rôle d’un média comme le nôtre, c’est la suivante : nous sommes le reflet identitaire d’une communauté. Si nous ne sommes plus là, qui va écrire l’histoire de nos villages?
On dit souvent que pour être universel, il faut avoir une approche micro locale. Et je pense que vous allez avoir l’heure juste avec une œuvre authentique, faite avec respect, justesse et honnêteté.
Et j’espère qu’on en parlera dans les chaumières.
Je pense que le film vaut la peine d’être vu (sans lunettes fumées ni roses), ne serait-ce que pour son œuvre de témoignage. Et je termine en remerciant Louise Leroux et Richard Blackburn de Shootfilms qui ont su voir tout le potentiel pour en faire une bonne histoire qui saura assurément nous faire réfléchir.
Une avant-première aura lieu au cinéma Pine à Sainte-Adèle mardi 20 septembre à 17 h. Pour les intéressés, quelques places gratuites sont disponibles. Premiers arrivés, premiers servis.
 
Informations et réservation à : IXION Communications, 514 495-8176, info@ixioncommunications.com.
lemondeselonloulou.com
Canal D diffusera le documentaire les 25 septembre à 21 h, 27 septembre à minuit et 29 septembre à 15 h.

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