Droit de mutation : Cette taxe qui vous souhaite la « bienvenue »
Par Rédaction
Par Louis-Charles Ménard
Nous avons tous, du moins pour la grande majorité d’entre nous, fait l’acquisition d’un bien immobilier à un moment ou un autre de notre vie. Fiers de notre nouvelle acquisition, nous nous présentons chez le notaire et c’est un moment de grande joie. Tout se passe généralement très bien et l’ambiance est décontractée, jusqu’à la dernière phrase que le notaire vous lira si vous êtes l’acheteur : « La municipalité vous enverra, en guise de bienvenue, une facture de X milliers de dollars ». L’expression « rire jaune » prend alors tout son sens. On avale la pilule, on critique, mais c’est comme cela ! Rien à faire, l’inconfort est perceptible.
Ce sont des milliers, sinon des dizaines de milliers de dollars qui vous sont facturés, juste pour vous souhaiter la « bienvenue » dans votre nouvelle municipalité. Puisque le ridicule ne tue pas, si vous déménagez à quelques rues de votre chez vous actuel pour vous rapprocher de l’école de vos enfants, on vous enfonce dans la gorge ce même droit de mutation. Même chose si vous achetez un condo au coin de la rue parce que vous vous sentez fatigué d’entretenir votre grande propriété.
Revenons un peu en arrière
D’où vient cette taxe ? En fait, ce « droit de mutation » a été créé en 1976 par le Parti Québécois de l’époque. L’objectif était d’offrir aux municipalités la possibilité d’aller chercher du financement supplémentaire sans que le gouvernement allonge constamment de l’argent à celles-ci. Contrairement à ce qui est perçu, cette bonne idée n’est pas issue du ministre Libéral précédent Jean Bienvenue. Bien qu’optionnelle au départ, celle-ci devint obligatoire avec le gouvernement Libéral quelques années plus tard. En 2019, le gouvernement de la CAQ en rajoute une couche en permettant aux municipalités d’augmenter le pourcentage de ce fardeau fiscal au-delà de 500 000 $. Malgré tout, on vous souhaite la bienvenue dans votre municipalité.
S’il existe une taxe bien injuste et inexplicable, c’est bien cette taxe de « bienvenue ». Les raisons pour des familles de déménager sont diverses : elles souhaitent plus grand pour élever leur famille, plus petit quand les enfants quittent, se rapprocher du travail pour éviter de passer trop de temps sur la route et j’en passe ! Nommez-moi un seul service ou avantage que la municipalité vous offre qui compense pour le 5-10-15 voire 30, et même 40 000$ que l’on vous soutire pour le seul fait de vouloir améliorer votre sort ? AUCUN.
Une nécessité incontournable
Bien que l’on soit contre, aujourd’hui, ces millions de dollars sont une nécessité incontournable aux budgets de nos municipalités. Dans la grande majorité des cas, les droits de mutations récoltés par les municipalités peuvent être une source de revenu majeur, allant jusqu’à 15 % du budget total de celles-ci. À titre d’exemples, la Ville de Saint-Sauveur en récoltera cette année près de 4 millions (sur un budget de 37 millions), et 6 % des revenus de la Ville de Montréal sont attribuables aux droits de mutation.
Vous savez comme moi que la pandémie a fait exploser les ventes et a catapulté les valeurs des biens immobiliers sur la plus courte période de notre histoire, créant des millions de revenus supplémentaires aux municipalités sans aucun effort.
L’impact sur les taxes municipales
Avez-vous l’impression d’avoir bénéficié de meilleurs services ou obtenu le moindre ajustement de taxes à la baisse grâce à ces revenus supplémentaires ? La réponse est évidente. Pourquoi croyez-vous que l’on augmente les taxes municipales encore cette année ? En bonne partie, cette hausse est attribuable à la baisse du volume de transactions immobilières de 2022 et 2023 et anticipé pour 2024, laquelle entraîne des pertes de revenus énormes et crée des déficits majeurs, les municipalités ayant utilisé ces sommes à d’autres fins.
Attention ! Je ne dis pas que ces sommes ne sont pas nécessaires pour les budgets des municipalités, bien au contraire ! Transférer ce fardeau fiscal au vendeur ou le partager entre les parties d’une transaction immobilière ne règle en rien le problème de fond. Cette taxe est clairement inéquitable, inexplicable et ne bénéficie d’aucune logique. Les municipalités à haut pourcentage de locataires en sont même pénalisées mais surtout, empêchent plusieurs familles à réaliser l’acquisition de leur première maison ou d’améliorer leur sort. Les obstacles à l’accession à la propriété sont multiples. On peut clairement affirmer que la taxe de « bienvenue » en est un important et que celle-ci est un frein évident à la mobilité de plusieurs familles.
Une refonte nécessaire ?
Pour avoir parlé à quelques élus gouvernementaux ou municipaux, et ce, peu importe les partis politiques, tous s’accordent pour affirmer que cette taxe est injuste et inéquitable, mais qu’il n’est mathématiquement pas envisageable de l’abolir pour les municipalités.
Une refonte en profondeur des méthodes de financement des municipalités est incontournable. Il n’est pas normal de faire assumer une grande partie des revenus d’une municipalité à de nouveaux résidents qui profiteront, tout autant, des services que celle-ci offre, que les locataires ou des résidents de longues dates.
Louis-Charles Ménard
Courtier immobilier agréé | Certified Real Estate Broker
1 commentaire
Quand nationalement le taux de propriété est de 66,5% en 2021, non « nous N’avons PAS tous, du moins pour la grande majorité d’entre nous, fait l’acquisition d’un bien immobilier à un moment ou un autre de notre vie ».