Big Mother…

Par Josée Pilotte

L’automne c’est aussi le retour en classe de la marmaille, des devoirs et des milliers de courriels envoyés par l’école, nous relatant les faits et gestes à la minute près de nos enfants. C’est la nouvelle maladie de notre époque. Les communications. Et pour communiquer, on communique!

À chaque début d’année scolaire, mon chum et moi tirons à pile ou face pour savoir qui d’entre nous, le chanceux(se), recevra la multitude de courriels concernant notre merveilleuse progéniture. Cette année, c’est tombé sur moi. Encore!

J’ai un ami professeur d’éducation physique à qui je disais que les communications étaient un peu trop excessives à mon goût. Il me faisait remarquer qu’il en était lui même victime mais à l’inverse. Il reçoit en moyenne une vingtaine de courriels par jour de parents, pour toutes sortes de demandes/ questionnements.

Non mais sérieux, voulez-vous bien me dire qu’est-ce qu’on a tant à dire ou à demander à un prof d’éduc?!

Personnellement, je trouve que c’est un brin «too much», cette nouvelle façon de tout communiquer. Je crois que cela complique la vie des professeurs sans parler de celle des parents. Malheureusement les profs n’ont plus de pouvoir sauf celui de tout communiquer aux parents soit chacune des foutues interven- tions qu’ils font auprès de nos enfants.

Et comme parent on a développé un comportement excessif de super performance- enfant-parfait… «bravo mon p’tit Lou, aujourd’hui tu n’as pas eu de note au portail!», et à l’inverse… «bon, qu’est-ce que tu as fait (ou pas fait) encooooore aujourd’hui?!» Bref: On communique tout en mettant un peu plus de pression sur nos enfants.

Avant, nos parents ne savaient pas ce qui se passait à l’école, à moins de trucs graves. Ma mère était loin de savoir si j’avais oublié un manuel scolaire, mon linge d’éducation physique, où si je mâchais de la gomme en classe. Qu’est-ce que ça change au fond, voulez-vous bien me le dire?!

Et c’est sans parler des devoirs qui sont devenus un vrai cauchemar pour les

parents. Jamais ma mère ne s’est assise avec moi pour faire mes devoirs. Superviser, oui, mais cela s’arrêtait là. Les conséquences, on les vivait à l’école ou dans le bureau du directeur, un point c’est tout.

Aujourd’hui en bons-parents-impliqués à faire de nos enfants des supers-performants on devient complètement fous à faire les devoirs de nos enfants. Je soupçonne même plusieurs d’entre nous d’avoir refait une partie de leur 6e année.

Est-ce l’obsession de la réussite de notre progéniture qui nous pousse à être des «control freak»?

Est-ce le système éducatif, l’école, qui demande aux parents de tenir un rôle central dans la réussite scolaire de leurs enfants?

À trop vouloir les encadrer n’a-t-on pas engendré un monstre? Et je ne parle pas de l’enfant Roi, ce monstre d’égocentrisme, mais bien du système qu’on a mis en place et qui avec les nouvelles technologies est devenu un «Big Brother», cet être virtuel omniprésent?

Je me souviens d’avoir été soulevée par le lobe d’oreille jusqu’au bureau du directeur. Je me souviens aussi de m’être fait «squizzer» un bras, d’avoir vu des craies voler bord-

en-bord de la classe, envoyées par le prof pour nous ramener à l’ordre. Ce n’est certes pas digne comme méthode, je l’avoue. Mais ce qui se passait à l’école restait à l’école. Aujourd’hui on traîne l’école dans sa poche tout le temps et à tout moment. Le kid ne se fait plus juste écoeurer dans la cour d’école, mais il se fait écoeurer sur sa page Facebook. Et nous comme parents on est constamment sollicités et mis au courant du moindre pet de travers de notre descendance.

Autre temps, autre mœurs me direz-vous.

N’empêche qu’autrefois notre «Big Brother» à nous c’était le p’tit bon dieu – employé à outrance par nos parents, le «surmoi» de Freud – qui nous suivait partout où on allait. Okay, j’avoue qu’on l’a souvent défié. Mais il n’en reste pas moins qu’il y avait une forme d’insouciance et de liberté associé à tout ça. Dans notre temps, l’école s’arrêtait quand on jetait notre sac d’école par terre quand on arrivait à la maison. Y’avait une seule question et qui faisait à tout le monde: «Ta journée c’est bien passée mon Lou?»

L’ère des communications, des nouvelles technologies devaient nous simplifier la vie… Ne nous l’a-t-elle pas rendue plus complexe au contraire? 

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