Déconnecter pour mieux connecter
Par Josée Pilotte
À notre manière, on aura donc essayé de se purguer de cette emprise virtuelle, un peu de la même façon qu’on a vécu le Ramadan qui nous a semblé un temps d’arrêt, un moment de partage de la vie.
Les premières semaines d’abstinence sont terribles, j’avais l’impression d’avoir perdu un peu de mon identité. Mais. Contre toute attente, en tous les cas la mienne, l’estime de soi refait surface à mesure que la volonté prime sur la dépendance.
Comme plusieurs d’entre nous, cellulaire et ordinateur étaient devenus des prolongements de moi-même, au point de ne plus passer une heure sans m’empêcher d’aller sur Facebook et de regarder mes courriels/textos. Une vraie accro du: «d’un coup que la terre arrêterait de tourner pis j’le saurais pas, alors faut que je vérifie mon »téléphone intelligent » qui lui me dira assurément la vérité au cas où que…!»
Oui j’étais, je suis, je ne sais plus trop en fait, une vraie droguée d’un monde parallèle au mien, d’un monde virtuellement discutable, d’un monde de m’as-tu vu qui me rendait pathétique par moment. Souvent.
Sauf que cet été j’en ai décidé autrement, j’ai revendiqué le droit d’être introuvable. De déconnecter. J’avoue que cela a été assez jouissif de penser que personne ne pouvait me joindre et ne sache où j’étais sur la terre. L’idée de ne plus être toujours «on line», de ne plus voir à travers l’écran la vie des autres et la mienne, fut une véritable libération.
J’ai réalisé au cours de ce sevrage tout le stress que ces bidules de communication ont comme impact sur la santé. Non mais, pensez-y deux minutes: on est-tu assez malades pour être accrochés à ça comme si notre vie en dépendait? Avouez vous aussi que c’est épeurant de nous voir aller?!
Mais. Rassurez-vous, on survit, même sans Facebook, et la terre continue de tourner, sans iPhone, sans ordi… Si, si, je vous l’assure!
Ma pause m’aura donc permis de (res)sentir la vie, la mienne, comme jamais. De regarder live, sans le filtre d’un seul écran, à travers les yeux des mes enfants l’immensité du monde et de m’émouvoir devant tant de beauté.
Donc, personne ne s’est plaint – pas même mes kids – de l’interdiction d’utiliser nos bidules électroniques pendant un mois. Un mois d’abstinence, eh oui!
Et vous savez quoi? Ils ne sont pas morts, nous non plus, bien au contraire. Ça leur a fait du bien, à eux, à nous et à la famille que nous sommes.
Et puis, on a voyagé en sac-à-dos ne sachant pas de quoi demain serait fait, ou si peu… On a visité des mosquées, des églises et encore des églises… On a vu la mer, des montages, des villes souterraines, bâties avant J-C, de neuf étages où s’entassaient des milliers de personnes pour y survivre. Oui!, on a levé le voile de l’électronique pour faire place à la discussion en famille.
J’ai été émue aux larmes d’écouter philosopher mes fils sur leur vision du monde et j’avoue avoir été fière de gagner «presque toujours» au «backgammon» contre eux!
Les voyages, la découverte du monde, c’est l’héritage familial que Chéri et moi voulons laisser à nos deux fils.
Développer la curiosité, la vraie. Avoir sans cesse le désir d’apprendre. Et surtout, surtout!, entretenir la capacité de rêver-grand!
Leur montrer aussi que la vie c’est autre chose que son petit nombril d’enfant privilégié. Que la vie est surtout pleine de nuances.
Et qu’il existe – encore au-delà de ce que la télé et l’internet nous montrent – des femmes bien différentes de celles qu’ils côtoient, comme ces femmes voilées, priant derrière un mur, coupées du reste du monde.
À notre manière on aura donc essayé de se purger de cette emprise virtuelle, un peu de la même façon qu’on a vécu le Ramadan qui nous a semblé un temps d’arrêt, un moment de partage de la vie.
Déconnecter pour mieux connecter?
Malheureusement oui.
C’est presque obligatoire de nos jours.
Enfin, selon mon expérience bien personnelle.