Demain, j’aurai 100 ans

Par Josée Pilotte

Il m’arrive parfois de regarder dans le rétroviseur et de me payer une tournée de nostalgie. Parfois, cela ne dure que quelques heures, parfois quelques jours.
Oui, je l’avoue, je suis une grande nostalgique.
On dit souvent que cela ne sert à rien, que cela n’apporte rien de bon, mais je ne suis pas d’accord. Personne n’échappe au temps qui passe. Et moi, j’aime le regarder passer. Le temps. Et Dieu sait s’il file vite!
Je vous raconte cela parce que le long week-end des Patriotes, nous avions notre rencontre annuelle dans le Maine. Une tradition familiale qui perdure depuis que mes enfants sont nés, et plus encore puisque Chéri y va depuis sa tendre enfance. Alors, pas besoin de vous dire que les traditions pour une fille nostalgique comme moi, cela est très important.
Un long week-end de tout et de rien (de champagne surtout), de rires contagieux qui respirent le bonheur et de simplicité à être juste là, présents, tous ensemble avec les amis et la famille.
Nous pardonnons même les caprices de mère Nature qui nous souffle parfois au visage le vent froid venu de l’Atlantique; mais que voulez-vous, on l’aime d’amour notre Maine.
Chaque année, nous répétons la même tradition. Et chaque année, nous la remettons en question en nous disant qu’on pourrait peut-être faire autrement cette fois-ci, mais rien à faire: on mange du homard chez Barnacle Billy’s, trois soirs sur quatre, on boit du champagne dans des coupes en plastique avec les steam clam et on poursuit avec le homard trempé dans le beurre tiède, la salade iceberg « zéro chlorophylle » et la bavette en plastique accrochée autour du cou.
Voilà la tradition.
Aussi, les jeux sur la plage. Les pique-niques. Les couvertures chaudes pour bien s’emmitoufler. Les tournois de pétanque et une saucette annuelle dans l’eau froide pour les braves! Très important!
On se dit souvent avec Chéri qu’on espère que nos fils garderont cette tradition familiale. Qu’ils bâtiront leur propre histoire, leur clan bien à eux et que nous en ferons partie le plus longtemps possible.
Mais je ne peux m’empêcher de les revoir jeunes flos courir sur la plage, manger leur premier homard; de nous revoir tous là au même endroit année après année. De me revoir aussi dans ma propre jeunesse et, parfois, goûter – ne serait-ce que quelques minutes – à ce sentiment de liberté que la jeunesse nous procure tous. Cette période de notre vie où le temps avait du temps.
C’est peut-être les souvenirs de ma propre enfance que je vois dans ces rituels familiaux et aussi en regardant mes fils devenir des hommes qui me rendent si nostalgique. Mais n’allez surtout pas penser que je suis triste, au contraire, cela me fait apprécier encore plus la vie que j’ai. Et surtout, de ne rien prendre pour acquis et de savourer les petits moments qu’elle m’apporte. Non, c’est plutôt un mélange de sentiments : que tout va trop vite, et de fierté du chemin parcouru.
Demain, j’aurai 100 ans, ou du moins, d’ici peu, accès à la carte de l’âge d’or! Là, en me lisant, je capote! Il n’est donc pas question que je carbure aux regrets. Je cultive plutôt les imperfections. Ça me rend plus vivante et vraie. La nostalgie, c’est un rétroviseur. Ça tient à chacun d’en faire sa propre lecture. Y en a qui vont penser qu’ « avant, c’était mieux ». Y en a pour qui regarder dans le rétro, c’est très douloureux. Et y en a d’autres encore, comme moi, pour qui c’est le constat du chemin parcouru, d’un cumul d’expériences, de petits moments de bonheur et d’épreuves aussi, mais qui ont fait de nous, ce que nous sommes aujourd’hui.
Ce matin-là, les quatre assis à la terrasse de notre petit hôtel à regarder la mer, j’entends mon chum dire à mon fils : « Réalises-tu, Antoine, que tu vas avoir l’âge auquel je t’ai eu? Vingt-trois ans… J’avais 23 ans, merde!! Dans ma tête, j’ai encore cet âge-là ».
Le plus jeune, lui, a regardé son frère en se disant que c’était impossible que son grand frère ait un enfant aujourd’hui, et l’autre, Antoine, a juste regardé son père en souriant : « Coudonc ‘Pa, ça n’existait pas les condoms dans ton temps? »
Y a des petits moments comme ça dans la vie, pris sur le vif, qui suspendent le temps quelques secondes… et, qui sait, nourriront à leur tour les souvenirs de vacances de mes fils, qui se les remémoreront avec… nostalgie!

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