En attendant le party
Par Josée Pilotte
En allant à l’école de mon fils la semaine dernière, j’ai eu un choc. J’ai réalisé qu’il finissait son secondaire 5 dans trois mois. Il me semble que c’était hier que je le voyais partir pour l’école, haut comme trois pommes, avec son gros sac à dos.
Quand je le regarde aujourd’hui avec ses presque 6 pieds, je me dis que la vie pousse vite, trop vite.
Pourtant, ce n’est pas faute d’essayer de la ralentir, de mieux la contempler, de mieux la sentir. Quand on est petit, le temps passe tellement lentement et, plus on vieillit, plus la vie s’accélère comme un train lancé à haute vitesse.
J’ai dit à mon chum que si notre petit Lou était rendu à presque 6 pieds, c’est que nous aussi on a dû prendre des années en cours de route. Je ne sais pas pourquoi, mais il m’a regardé d’un drôle d’air le Chéri, comme si je venais de lui annoncer une évidence comme si la Terre était ronde ou que mon nom est Josée Pilotte.
Je soupçonne que même s’il est moins émotif que moi, lui aussi trouve ça difficile que son petit Lou de presque 6 pieds lui rappelle qu’il n’a plus la jeunesse de ses vingt ans. Et ce, même s’il essaye très, très fort que cela ne paraisse pas.
Certaines de mes amies aiment bien dire à la blague (quoique…) que la ménopause nous guette. Je les traite de folles en leur disant que, MOI, je n’attraperai jamais ça, cette bébitte-là…
De quoi déjà?!
Wô chose! Faut pas exagérer, on se calme les hormones!
Pire que ça, j’entends mes amis prononcer le gros mot (RETRAITE!!) qui, pour moi, semble tellement loin. Je les entends parler de projet pour la deuxième partie de notre vie. De possibilité de pseudo commune à la mode hippie des années 60, où nous aurions droit chacun à son quartier, mais avec une aire collective où l’on partagerait les repas et où l’on jaserait de nos bobos respectifs (non, je ne parle pas des bourgeois bohèmes du Plateau!).
On aurait semble-t-il un grand jardin (pour nos tomates, nos plants de pot médicinal, etc.) et une piscine pour faire des longueurs afin de retendre nos tissus adipeux qui s’affaissent. Rendu là, je me dis que tu portes la gaine en dessous du maillot one-piece, en néoprène pour paraître plus mince… Vous êtes toujours là?
Ils sont fous de même mes amis. Ils voient grand, ils voient loin dans le temps. Parfois, ça me fait peur de les entendre parler ainsi; je me dis que ça aussi c’est une autre affaire que je ne veux pas attraper : la vieillesse. La vieillesse, ça sonne vieux me semble.
Ça donne le vertige quand je regarde toutes ces années qui sont derrière moi. Ça va tellement vite que j’avais presque oublié que cela faisait 19 ans que le journal était né. Mon troisième gros bébé, qui m’a laissé quelques vergetures sur le front.
Dix-neuf ans, c’est comme si c’était hier.
J’étais, à l’époque, une jeune femme dans la vingtaine, fonceuse mais si naïve à la fois, et qui avait toute une vie devant elle pour réaliser ses rêves.
Et c’est ce que j’ai fait, je les ai réalisés un à un mes rêves, et je suis fière de moi. Le bon côté de gagner en maturité, c’est qu’on gagne en confiance en soi. Finalement, on n’attend plus après les autres et on se donne soi-même la claque dans le dos que l’on mérite.
Je reconnais avoir travaillé fort, avec passion surtout, pour arriver là où je suis. Le dernier rêve que j’ai réalisé du haut de mes 5 pieds et 8 pouces fut celui d’avoir fait l’acquisition du Journal des Pays-d’en-Haut – La Vallée.
Par cet achat, j’ai l’impression de boucler une boucle.
Je l’ai fait pour moi, pour mon équipe, pour vous, mais aussi parce que je crois en la nécessité de la presse hebdomadaire en région. Je l’ai fait parce qu’après 19 ans, j’ose encore croire que nous faisons la différence chaque semaine.
Et comme nos enfants peuvent être un étalon pour voir le chemin parcouru et nous donner le frisson dans le dos que le temps passe et qu’on prend de l’âge (et des cheveux gris!), un journal comme le mien, comme le vôtre, est un bon indicateur du chemin qu’on a parcouru.
Ces 19 ans, on les a parcourus ensemble. Ces 19 ans, on les a vieillis ensemble. Et cette perspective me rassure et me donne du courage à poursuivre. À poursuivre mes rêves, mes passions et surtout mes convictions, dont celle d’être un rempart pour la démocratie.
Et quelque part, cela me réjouit de savoir que je ne suis pas toute seule à continuer à prendre de l’âge.
Et comme le bon vin, je me dis qu’on se bonifie avec le temps…
Je porte donc un toast à nous tous qui avons marché sur les mêmes chemins pendant ces 19 ans.
Je vous embrasse!