Être et Avoir!
Par Josée Pilotte
Le père Noël n’existe pas. Ce n’est pas moi qui l’ai dit, je l’ai lu sur Wikipédia: Le père Noël est un personnage légendaire et mythique lié à la fête de Noël, sa principale fonction est de distribuer des cadeaux aux enfants pendant la nuit de Noël qui a lieu chaque année du 24 au 25 décembre. Alors dites-moi, s’il n’existe pas, pourquoi j’ai impression d’avoir une poche de mille livres sur mes épaules?
Parce que, voyez-vous, on a beau dire à nos enfants que l’argent ne pousse pas dans les arbres, il n’en demeure pas moins qu’en cette période de soi-disant «réjouissance» le porte-monnaie de pôpa-môman se fait aller. J’ai beau essayer d’expliquer à mon petit Lou qu’à une certaine époque on offrait en guise de cadeaux quelques oranges dans un bas de Noël tricoté à la main, il ne me croit pas. Allez savoir pourquoi!
Alors on ne s’en sort pas, et puis on ferme les yeux en se disant que tout ne va pas si mal au fond. Et malgré le fait que le taux de notre carte de crédit est à 19,9%, on se dit:
«au-yiable-la-dépense, c’est nowell, on s’lâche lousse»…
Remarquez qu’il y a pire qu’un petit Lou qui ne croit pas aux oranges à Noël: y’en a pour qui ça semble être Noël à l’année. À une époque, comme celle des oranges, parler d’argent, c’était comme parler de politique: ça ne se faisait tout simplement pas, c’était mal vu, c’était un accroc au décorum, c’était un manque flagrant de savoir-vivre.
Aujourd’hui c’est devenu une nouvelle façon d’être – je consomme donc j’existe – et d’exister – je suis ce que j’ai.
Aujourd’hui le «manque de savoir-vivre» va plus loin encore: on ne fait pas que parler d’argent, on expose sa richesse à qui veut la voir… et même à qui n’en n’a rien à foutre.
Je vais vous dire, ce nouveau phénomène mondain et mondial a quelque chose de dérangeant, de vulgaire et d’obscène. Il traduit peut-être le grand vide de notre époque, transformant tous ses acteurs en acteurs de pub. Vous savez, cette pub qui «nous fait courir après des voitures ou des fringues, on fait des boulots qu’on déteste pour se payer des merdes qui ne servent à rien», comme le décrivait si bien le film Fight Club de David Fincher à l’aube du millénaire. Un millénaire où tout nous semble accessible à crédit, où le bonheur réside dans la voiture de l’année ou bien le taux de facturation horaire de tes services professionnels… un bonheur qui réside surtout dans le public que tu trouveras pour dire ce que tu as.
Tout ça me désole; le vide que ça nous dit est à pleurer. C’est peut-être pour ça qu’en cette période de Noël et de surconsommation, j’ai eu envie de rappeler à mon petit Lou que tout le monde ne vit pas dans la même abondance, qu’on a encore faim à Noël et que ma carte de crédit a une limite.
Mais malgré tous mes grands discours, il n’a pas voulu croire à ma nouvelle simplicité volontaire…
Bon, bon j’ai compris, je remballe mes oranges et je m’en vais chez Ogilvy!
Joyeux Nowell!