«Janette, sors de ce corps»

Par Josée Pilotte

J’avais presque oublié cette anecdote qui m’avait pourtant fait autant réagir. Elle m’est revenue alors que je m’étais mise à cogiter à cette chronique qui se veut d’abord un hommage aux femmes. Pour celles que je côtois dans la vie de tous les jours mais surtout pour celles qui ont tracé le chemin bien avant nous. Vous savez cette race de femmes fortes qui ont écrit l’histoire par conviction et acharnement?

Elles ont inspiré notre cinéma, notre littérature, nos vies et ce même si le combat n’est toujours pas fini à ce jour.  

On a peut-être gagné du terrain à plusieurs niveaux mais il n’en demeure pas moins que certaines mentalités bien enracinées elles, réussissent encore à nous choquer tant elles sont réductrices.

Parfois je me questionne et je me demande bien humblement quel genre de femme j’aurais été si j’avais vécu dans une autre époque. Aurais-je été une femme du peuple comme Rosa Parks qui s’est tenue debout en restant assise dans son bus de Montgomery, Alabama et qui est un des éléments déclencheurs du mouvement des droits civiques aux États-Unis? Aurais-je été Simone De Beauvoir qui a été une des figures marquantes du féminisme au XXe siècle?

Aurais-je été une Lise Payette, cette activiste féministe qui a sorti les Québécoises de la grande noirceur?

J’aime croire que oui. Et si je n’avais pas été l’une d’elles, j’aurais été l’une de celles qui se seraient postées fièrement à leur côté et les auraient suivies dans leur combat.

Alors après tant de lutte, force est de constater qu’on a fait des gains immenses qui ont su libérer les femmes de leurs chaînes. Et je n’ai pas besoin de vous énumérer ce que vous savez déjà.

Mais malheureusement,il reste du chemin à faire.

Selon le Châtelaine de ce mois-ci, dans les entreprises «les femmes détiennent environ 15% des postes de pouvoir ou des sièges des conseils d’administration; et 20% si on ajoute les sociétés publiques. À ce rythme-là on atteindra la parité en 2085». Pas besoin de vous dire que j’aurais alors un âge plus que vénérable pour voir cela de mon vivant.

Ce n’est donc pas demain la veille qu’il y aura une équité dans la répartition du pouvoir. En tous les cas, on n’a pas fini de courir mesdames et de performer dans tous les domaines de notre vie afin d’avoir notre place au soleil. Une femme avertie en vaut deux, hein?  

Parlant de femmes de pouvoir, le concept peut parfois faire déraper certaines langues et faire sortir le chat de son sac…  

Cet automne, on m’a invitée à siéger au conseil d’administration d’Hebdos Québec. J’ai longuement hésité, considérant que ma cour était pleine, mais comme l’avenir des hebdos me touche de très près, je me suis laissé convaincre de me présenter aux élections.  

Tout ceux qui me connaissent savent que je déteste parler en public. Ce n’était donc pas prévu à mon agenda de devoir expliquer le pourquoi du comment de ma candidature au sein du conseil. Mais comme le micro m’est apparu sous le nez je n’ai guère eu le choix de me lancer dans une improvisation de patinage artistique:

«Bonjour, mon nom est Josée Pilotte, je suis propriétaire d’un journal dans les Laurentides depuis 17 ans. La raison de ma candidature est fort simple: j’aimerais m’impliquer en participant à la mise en place du virage technologique de notre industrie, j’y crois et je crois surtout que les hebdos ont encore une grande place dans nos régions.  

Et pour finir je crois qu’une femme au sein du conseil – qui ressemble un peu trop à un «boy’s club» à mon goût – apportera un regard nouveau et certainement un équilibre.

C’est sorti comme ça. Sans trop y réfléchir.

Nous étions quatre personnes à s’être lancées dans l’arène et à déballer notre sac devant la salle.

Ont suivi par la suite le vote et le résultat.  

Et j’ai gagné mes élections.

Bon, vous vous demandez où je m’en vais avec mon histoire, n’est-ce-pas?

Et bien, le soir venu, cocktail oblige. Après quelques serrages de mains et de félicitations, y’a un mec qui tient à venir me féliciter pour avoir gagné mes élections.  Il était d’ailleurs lui aussi l’un des candidats:

«Bravo pour tes élections Josée, mais j’aimerais te dire que tu n’étais pas obligée de faire ton discours de ‘’Janette’’ pour gagner. Je ne croyais pas qu’encore en 2015, une femme était obligée de faire valoir qu’elle était une femme pour faire sa place».

Je n’ai pas besoin de vous dire que la mâchoire m’a décrochée.

En seulement quelques mots, ce mec venait de justifier exactement pourquoi même en 2015, une Janette, une Simone, une Rosa est plus actuelle que jamais.

Voilà pour la petite anecdote!:))

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