Joindre le geste à la parole

Par Josée Pilotte

Ça fait un bail que l’on ne s’est parlé vous et moi. La vie va vite, assez vite pour que les semaines et les mois passent sans que j’aie pris le temps de m’adresser à vous. Mais là, j’ai une réflexion qui me tient trop à cœur pour la garder sous silence.

C’est donc à titre de présidente du Journal Accès et du Journal Le Nord ainsi que vice-présidente d’Hebdo Québec (47 journaux hebdomadaires régionaux) que je sors de mon mutisme à la suite des évènements des derniers jours dans l’industrie des médias.

Cette tempête parfaite qui affecte durement la presse écrite régionale, nationale et internationale n’a rien de nouveau pour moi. Je constate et déplore ses effets depuis cinq ou six ans déjà, sans qu’elle donne l’indication de vouloir s’essouffler malgré toutes les tentatives pour l’atténuer. Cette tempête frappe avec énormément d’intensité. Même en région où elle a pris un peu plus de temps à s’installer.

Malheureusement, à l’heure qu’il est, aucun média n’est plus à l’abri. Si vous doutiez encore de ses effets ou pensiez que les propriétaires de médias étaient trop alarmistes, le réveil a dû être brutal la semaine dernière.

La journée de lundi dernier a été qualifiée à juste titre de « journée noire » pour les médias du Québec.

La nouvelle de la décision de Capitale Médias (GCM) qui publie six des dix quotidiens papier au Québec de se mettre sous la Loi de la protection de la faillite, faute de liquidité, a secoué toute la province.

L’intervention rapide du gouvernement du Québec par l’octroi d’un prêt d’urgence de 5M$ a permis d’éviter le naufrage, mais la survie de ces quotidiens régionaux n’est vraiment pas garantie.

Et vous, me direz-vous ?

Le journal Accès et Le journal le Nord ne vivent pas dans une bulle. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres ni à l’abri des secousses répétées qui mettent en danger la rentabilité de l’entreprise. Malgré le fort et indéniable appui de fidèles lecteurs et annonceurs depuis plus de 21 ans, nous devons, nous aussi, livrer un combat de tous les instants pour assurer notre pérennité. Il nous faut convaincre nos annonceurs et nos lecteurs de renouveler leur engagement envers le journal et multiplier les démarches pour revenir ou faire revenir les grands et petits annonceurs qui sont tentés d’investir une grosse partie de leur budget marketing sur le Web.

On ne va pas se mentir, Google et Facebook vampirisent nos revenus publicitaires tout en profitant sans frais de l’information produite par les médias de chez nous sans pour autant payer de redevances ni de taxes. Les différents paliers de gouvernement subventionnent à tour de bras toutes les industries culturelles, dont celle du multimédia et du cinéma pour ne nommer que celles-là. Je n’ai rien contre. Cela crée de l’emploi et des retombées économiques, mais pourquoi la presse écrite n’obtiendrait-elle pas sa juste part puisqu’elle joue un rôle important dans notre société ?

Personne ne peut nier que l’information locale est essentielle à la démocratie et à la vie communautaire. On nous demande de façon irréaliste de faire du journalisme d’enquête, d’être présents dans tous les conseils de ville, de soutenir les organismes de la région, de parler de nos artistes et de la vie communautaire de nos villes et de nos villages…

Nous faisons partie de ceux qui participent activement à les faire rayonner. Nous parlons semaine après semaine des enjeux qui nous préoccupent, et ce, gratuitement. Et oui, au cas où vous ne l’auriez pas encore réalisé, ce journal est gratuit et vit uniquement de ses revenus publicitaires. Alors dans le contexte actuel, croyez-moi, on fait des petits miracles chaque semaine pour vous livrer la meilleure des informations locales.

Quand vous lirez ces lignes, j’aurai été déposé un mémoire à l’Assemblée nationale, à la commission parlementaire sur l’avenir des médias. J’aurai eu l’occasion d’apporter mon humble contribution en parlant de mon expérience et de ma réalité en tant que propriétaire de deux journaux de presse régionale.

Alors, si vous êtes soucieux d’être bien informé et si vous vous demandez comment apporter votre appui à ce journal, la démarche est fort simple : appropriez-vous ou réappropriez-vous ce journal, annoncez vos activités, vos produits et services pour rejoindre les gens d’ici. L’achat local est gage de notre succès à tous.

Dans cette ère de désinformation et de fausses nouvelles, la disparation des quotidiens et des hebdomadaires régionaux serait une catastrophe pour la vie économique et démocratique du Québec. On associe partout les mots « médias » et « démocratie » et on souligne la nécessité d’avoir accès à une diversité des voix dans chacune des régions.

La Fédération des municipalités du Québec s’est également dite préoccupée pour l’avenir de la presse régionale et a plaidé pour que l’on trouve collectivement les moyens d’assurer la pérennité des médias imprimés québécois.

Il est grand temps de joindre le geste à la parole…

2 commentaires

  1. Bravo Josée de prendre la parole. Il est grand temps que les différents paliers de gouvernement investissent dans les différents médias régionaux. Je suis en accord avec ta réflexion.

  2. Problėme plus ou moins généré par la proximité des journaux, tributaires qu’ils sont des villes, des chambres de commerces et des grands influenceurs locaux. Ils sont à la fois annonceurs et cibles des médias. Pour ménager la chèvre et le chou, on édulcolore nos articles et on perd ainsi l’intérêt des lecteurs qui se tournent vers la toile, aussi imparfaite soit-elle.
    Le défi est de s’affranchir du côté business du journalisme. Honnêtement, je ne vois pas de solution miracle. Pour le citoyen, la meilleure façon de s’informer, c’est de s’impliquer dans son milieu, assister aux réunions des conseils de ville, conseils des commissaires, etc. En cueillant l’information à la source, on peut vraiment se faire une tête sur les sujets qui nous concernent.

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