La cicatrice

Par Josée Pilotte

Parce qu’on ne parle pas ici de se faire enlever les amygdales ou l’appendice, mais bien de se faire enlever les seins, ce symbole même de la féminité, juste au cas où, hypothétiquement, le mal déciderait de cogner à la porte.

Il y a les cicatrices du bonheur dit-on, celles que l’on porte presque fièrement après avoir porté la vie en soi. Mes grossesses, mes fils, mes amours auront laissé, sur mon corps, l’empreinte de leur passage dans ce monde. J’avoue avoir toujours été gênée en regardant mon ventre fissuré de ce bonheur maternel, mais comme il n’a jamais été question pour moi de passer sous le bistouri, je n’ai eu donc le choix d’accepter mes petites imperfections. 

Mais. La première fois que j’ai vu ses cicatrices à elle, j’ai eu envie de détourner le regard tellement la souffrance qu’elles portaient m’était insupportable à regarder. Or, je n’ai pas osé baisser le regard sur ces seins disparus avec la maladie; non, je n’ai pas osé, par pure solidarité pour elle. Mon amie. Il y avait dans tous ses stigmates de douleurs, une effroyable leçon de courage, de lutte, et une réelle volonté à vivre.

De nous toutes, elle était la plus «femme», avec un sex-appeal qu’il m’a été peu souvent donné de rencontrer dans ma vie. Une vraie de vraie, je vous dis: les hommes la regardaient, les hommes l’aimaient et elle aimaient les hommes. Mais. Elle a perdu ce qu’elle considérait être son essence. Sa féminité. Ses seins. Une grande partie d’elle-même. Elle a dû se reconstruire, et ce dans tous les sens du mot; réapprendre à «être autrement», à s’aimer différemment. Un combat de tous les jours.

À la une de tous les journaux la semaine dernière, on parlait de la décision courageuse d’Angelina Jolie d’avoir subi une double mastectomie volontaire. J’avoue d’abord avoir eu un choc. Qu’une femme, une vedette hollywoodienne, un sex-symbol planétaire ose présenter publiquement une décision aussi personnelle que celle de se faire enlever les deux seins m’a libéralement cloué le bec pour quelques heures.

Dans notre monde bourré d’artifices et de m’as-tu-vu, de préjugés d’apparence et de faux-semblants, on en est maintenant là. Enfin. À casser le mur de la honte.

Parce qu’on ne parle pas ici de se faire enlever les amygdales ou l’appendice, mais bien de se faire enlever les seins, ce symbole même de la féminité, juste au cas où, hypothétiquement, le mal déciderait de cogner à notre porte. Décider de tenir loin son corps des attaques de la maladie. Décider de se battre contre les statistiques au lieu de se battre avec ce crabe destructeur de vie.

Ça reste un choix. Un choix indiscutablement personnel. Et il faut être réaliste, Angelina Jolie a les moyens de se reconstruire tout ça. Toutes ne l’auront pas.

En regardant aujourd’hui son corps mutilé par de nombreuses interventions chirurgicales, parfois ratées, Nathalie aurait bien sûr fait le choix d’Angelina Jolie si elle avait su.

Mais son parcours, ses antécédents auront été différents comme des milliers personnes d’ailleurs atteintes de cette maladie.

En racontant ouvertement à la face du monde son choix, Miss Jolie a bousculé les mœurs de ce monde d’apparences et de jugements. Un monde moralement discutable.

Mais, au-delà de ce geste très personnel, à la fois héroïque et symbolique, j’aimerais qu’on nous dise pourquoi sommes-nous une société de plus en plus malade? Oui, pourquoi?!

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *