La cloche sonne
Par Josée Pilotte
On parcourt souvent des kilomètres pour franchir le pas de sa porte. On traverse souvent des océans pour entendre les cloches sonner en écho dans un petit village au fond d’une vallée. On marche souvent un continent, loin de son petit chez soi, pour s’émouvoir de la grandeur du Monde.
Nous étions trois au milieu des Fidèles, chacune assise loin l’une de l’autre, chacune dans ses pensées. Lui il était là en soutane du dimanche, ornée d’or et de rouge, parée avec flamboyance et noblesse. On peut dire ce qu’on veut, mais dans ce cas-ci l’habit fait vraiment le moine, rend la cérémonie plus solennelle.
Nous avons écouté dans cette église de Rome, presque «religieusement», la célébration de la messe au grand complet… en italien. Ce n’est pas que nous comprenions un traître mot d’italien, ni que nous sommes devenues pratiquantes mais l’arrêt dans une église est une étape incontournable d’un voyage, un passage presque obligé, comme l’est la Joconde lors d’une visite au Musée du Louvre à Paris.
Et comme si ce n’était pas assez, me v’là-tu pas en train de faire l’accolade à mon voisin de droite et à ma voisine de gauche, deux Chinois sans appareil-photo, tout à leur recueillement.
Excusez mon inculture, mais j’ai été surprise de les voir, ces deux-là, à genoux en train de prier le même dieu que moi. J’ai toujours cru qu’ils étaient tout, sauf Chrétiens. Remarquez que j’aurais pu sortir mon iPhone et googler wikipedia afin d’en savoir plus mais j’aurais trouvé ça un peu déplacé en plein sermon du Padre; je suis donc restée inculte sur la question, et je me suis gardé une petite gêne.
Faut dire qu’à l’ère du multiculturatisme cela n’a rien de trop surprenant de voir des Chinois dans une église: on voit bien des jeunes femmes catholiques se convertir à l’islam et porter fièrement le hijab, de jeunes bobos embrasser le bouddhisme et partir en Inde les pieds nus, pis du monde de tout horizon s’adresser à l’Univers. Faqueee… je me suis dit: des Chinois dans une église traditionnelle italienne pourquoi pas, han?!
Quand même, il y a juste une religion qui semble se vider de ses adeptes, c’est la religion catholique. Au point qu’on transforme nos églises en condo, nos lieux de culte en salles de concerts, bradant nos bancs d’églises en vente de feu sur les parvis (comme cela a été le cas à Sainte-Agathe l’an dernier)…
Autant le Vatican est riche comme Crésus – sur place c’en est même gênant – autant nos églises de village sont pauvres – et c’en est même gênant aussi.
Un exemple: à Morin-Heights l’église principale est menacée… le Maire Tim Watchorm envisage une solution originale et peut-être visionnaire en cette ère de mondialisation et d’accommodements raisonnables: rassembler les Fidèles, toutes religions confondues, sous le même toit.
L’idée en fait, c’est de les inviter à déterminer ensemble un lieu de culte commun afin que chacun pratique sa religion, chacun à son moment. C’est-tu pas extraordinaire, ça?
Au fond, la réalité d’aujourd’hui leur impose un choix: mourir seul ou vivre ensemble. N’est-ce pas d’ailleurs la réalité de l’an 2000 dans plusieurs sphères de notre société?
Le projet de Monsieur Tim comporte plusieurs avantages, au-delà de la beauté du geste et peut-être de sa naïveté, il met aussi en lumière notre désintéressement à préserver notre patrimoine religieux. Notre Histoire.
On peut claquer la porte du catholicisme, la laïcité à ces avantages!, mais devrait-on mettre la clé dans la porte de nos églises?
C’est quand même paradoxal vous ne trouvez pas? On claque la porte de l’église catholique d’un bord et de l’autre on fait rentrer à pleines portes Bouddha et le hijab.
Dieu du Ciel!