La lumière fut, Alléluia!
Par Josée Pilotte
C’est incroyable, j’ai comme eu l’impression que nous sommes tous sortis de notre tanière en même temps. Même monsieur Chose qui a pu d’âge tellement les saisons ont fripé son visage se balade en vélo tout content. Madame Sigouin, elle, a passé sa fin de semaine à étendre son linge sur la corde pour que ça sente bon, que ça sente frais…
On entend les cris des enfants. La «femme-burka» de l’hiver a sorti sa jupe courte et porte la sandale ouverte. Les petits Gino ont sorti leur gros moteur (ou l’inverse). Matante Huguette sort mon’oncle Girard pour une crème-à-glace su’a Principale. Bref: le soleil nous a fait revivre encore une fois cette année, même s’il a été long, trop long à venir chasser nos dépressions hivernales. Même les plus jovialistes n’avaient plus de mots pour trouver une raison d’afficher leur optinisme légendaire. Nous étions tous suspendus dans le temps comme un singe pendu à un arbre. En fait, ce n’est pas l’hiver qui est long, c’est le passage de l’hiver au printemps qui dure trop. C’est l’entre-saison qui nous tue.
J’ai toujours trouvé ça drôle notre obsession de la température. Nous sommes probablement le seul pays sur la planète à parler du beau temps et de la pluie comme d’autres parlent de la pluie et du beau temps! Comme dirait mon’oncle Girard à matante Huguette, entre deux touristes su’a Principale: «On a encore eu une grosse hiver c’t’année ma Huguette! »…
Mais ce week-end, la lumière fut. Alléluia!
Nos villages et terrasses débordaient. Les commerçants ont fait de bonnes affaires. C’était noir de monde comme on dit par chez nous. Grand pôpa, mon’oncle, matante, blonde de…, frère de… tout l’monde dehors, le printemps est enfin arrivé!
C’était beau de vous voir, amis cyclistes, sillonner nos routes «Beyrouthiennes» comme si de rien n’était.
Comme quoi un peu de soleil nous donne le goût de grandes folies et de petites Aventureeeees!!!
Pour ma part mes folies furent petites comme dans «small is beautiful»…
P’tit déj’ au resto O Petit de Morin-Heights. Comme toujours dans ce village, le temps s’est arrêté, tout le monde se connaît, tout le monde se salue. Certaines barbes à la ZZ Top sont presque caricaturales, entre le cowboy et le bûcheron. Morin-Heights c’est comme une grande famille qui préserve jalousement ce qu’elle est, comme seul les Anglos savent le faire.
Après, d’un monde à part à un autre, destination: Val-David… Lieu de «coolitude», pas de Porsche pas de flonflons, rien que de l’authenticité. Il se dégage de Val-David un état d’esprit unique, y aller c’est se retrouver dans un «petit village» au vrai sens du terme.
<p>Là vous me voyiez venir avec mes grosses bottes de sept lieues, han?!
Comprenez-moi bien, j’ai rien contre la marche de la civilisation et le temps qui court. Mais. Quand je regarde mon’oncle Girard et matante Huguette, anonymes su’a rue Principale à Saint Sauveur au milieu de ses centaines de touristes qui débarquent le temps d’un week-end… quand je les regarde j’ai la crainte de voir Saint-Sauveur moins risquer de perdre son âme que risquer de perdre l’opportunité de se réinventer, d’inscrire son avenir sous un branding fort. J’ai peur en fait que le Village ne soit tenté simplement par le «think-big-sti», par les boulevards, par les grandes surfaces, par d’énormes édifices institutionnels à son entrée. J’ai peur que dans quelques années on chante avec Dédé Fortin:
«Avant la venue du centre d’achat
Sur la grande rue c’était plus vivant que ça
Des ti-culs en bécique des cousines en visite
C’était noir de monde comme en Afrique
Quand j’y retourne c’est pathétique!
Ça va donc ben mal sur la rue Principale
Depuis qu’y ont construit le Mc Donald!»