La relâche se relâche!
Par Josée Pilotte
Ah la relâche! Pas toujours évident d’y arriver en un seul morceau, n’est-ce pas?! Maudit qu’on court pour prendre quelques jours de congé bien mérités en famille. Et pas question de ne rien faire de ces quelques journées, y’a tout un programme au menu pour entertainer en-bons-parents-responsables, la vie sociale – et ô combien glamour – de nos progénitures.
Et il ne faut ab-so-lu-ment pas que ça soit plate. Oh que non, Chose! Sinon, gare à toi, tu risques de te retrouver sur la liste des parents indignes! Et ça, bien en 2016, ça se peut juste pas. Y’a personne qui veut ça, hein?! Il faut être parfait, rien de moins.
On en discutait avec les copains l’autre soir combien notre rôle parent-protecteur est surdimensionné de nos jours. On se disait même à la blague qu’ils en font presque pitié nos kids tellement nous sommes dans leurs shorts à les suivre pas à pas dans tout ce qu’ils font. Dans mon temps, on sortait le matin dehors, et plus tard, ma mère sortait sur le balcon, et gueulait « Josééééée, viens souper! » et bizarrement, même si le cellulaire n’existait pas, le message se rendait jusqu’à moi. Pire, on ressortait pour la veillée et nos parents n’avaient aucune maudite idée de l’endroit où on se traînait les pieds! On sentait la laine mouillée, personne ne nous posait de questions et nous ne sommes pas morts pour autant.
Aujourd’hui, nos kids ont tout cru dans le bec, ils ont tous les gadgets dernier cri pour être connectés avec leur gang, mais leur liberté est inversement proportionnelle. Ils doivent se rapporter à toutes les cinq minutes, on peut même les suivre en temps réel, avec leur petite balise GPS d’installée sur le portable. Parents névrosés ou monde cruel, c’est selon.
On est tellement encadrants qu’on achète même l’alcool ou les condoms à nos enfants, pour se donner bonne conscience, en bons-parents-responsables (névrosés) que nous sommes.
On est loin des coups fumants de notre temps à savoir qui d’entre nous allait se faire passer pour le grand frère ou la grande sœur au dépanneur du coin pour un bon Baby Duck qu’on buvait à la paille avant d’aller danser sur du The Cure au Québek Électrik, à Chomedey Laval. Un coin rock’n’roll de Laval, c’était le moins qu’on pouvait dire. D’ailleurs, où sont passées ces discothèques 14-18 ans de notre jeunesse? Perso, j’ai passé mon adolescence à user mes fonds de culotte dans cette discothèque, à danser mes premiers slows et à frencher surtout! Que de souvenirs, soudainement…
Et sans oublier les partys de sous-sol d’église qui ont contribué grandement à parfaire notre éducation! Les coups qu’on y faisait étaient loin d’être catholiques.
Nous avions 14 ans, vous imaginez un peu… 14 ans et on sortait faire la boum! Juste à y penser, je me dis que ça ne fait pas de sens; nos parents étaient complètement insouciants. Mais maudit que nous avions du fun!
Aujourd’hui, nos ados font des p’tits chills.
Autre temps, autres mœurs. Chaque époque a son charme, dit-on. Ben coudon!
Ma génération, celle avec la clé dans le cou, était un peu plus laissée à elle-même et elle a dû faire preuve d’initiative. Et les fous, les prédateurs de ce monde, existaient tout autant qu’aujourd’hui, sauf que les médias de masse, couplés aux réseaux sociaux, ont jamais autant contribué à attiser notre peur panique qu’il arrive quelque chose à nos chères têtes blondes.
Je ne peux imaginer une telle liberté aujourd’hui, cela en est presque impossible. Je me vois aller avec mes enfants, et l’idée de les lâcher lousses dans la nature me donne un frisson dans le dos. Et je ne veux même pas entendre parler de deux-roues ou de permis de conduire à 16 ans. Imaginez!
Revenons-en à la relâche. D’ailleurs, je réalise que je ne me souviens même pas moi-même de mes relâches. En avait-on une? Tout comme mes étés, je les passais à jouer dehors dans la rue. Pas de planning serré, pas de camp de la relâche, pas de sortie au cinéma ou au musée? Le plus loin que j’allais, c’était chez ma grand-mère. Là, on retrouvait les cousins et que faisait-on? On enfilait nos suits de Ski-Doo et on faisait des igloos, des tunnels. Choses qui n’existent plus de nos jours, car trop dangereux. La seule pensée que son enfant face la couv’ du Journal de Mourial. « Il passe tout près de la mort quand son igloo s’écroule sur lui. Sauvé in extremis par son parent ».
Pouvez-vous m’expliquer une chose alors? Sachant que le monde n’a pas changé tant que ça, comment se fait-il que des enfants comme nous, bien ordinaires, ayant vécu autant de liberté, nous soyons devenus des parents si encadrants, enroulant nos propres enfants dans du papier à bulles?
Sur ce, je dois vous laisser. Entre finaliser mon application qui sort mercredi prochain (le 9 mars, oui, oui!) et mes mille rendez-vous, je dois planifier une relâche exaltante pour mes enfants, en bonne-mère-coupable que je suis. Bonne relâche!