Le 3e sexe
Par Josée Pilotte
Même si tu as peur de te l’avouer, la réalité, elle, tu l’as en pleine face. Pour l’interrogation, l’inquiétude qu’elle suscite en toi, et ce, sans même t’en être rendu compte, tu t’entends un jour dire : « C’tu juste moi, ou je suis dépassée par les événements? » En d’autres mots : « Suis-je rendue trop vieille pour comprendre certains débats de notre société? »
En fait, c’est mon chum qui m’a fait rire en ayant une réaction suite à la lecture d’un article de La Presse+ sur la possibilité d’adapter des toilettes dans les écoles pour les transgenres.
-Chérie, je crois que je suis rendu vraiment vieux.
-Hein, de quoi parles-tu?
-Paraît qu’ils veulent mettre des toilettes « transgenres » dans les écoles…
-Et???
– Je sais pas, mais je trouve ça un peu heavy…
Il fut un temps où porter le pantalon pour une femme dans les années 50 était un geste révolutionnaire. Aujourd’hui, on se questionne sur le fait d’adapter des toilettes pour une personne qui est incapable de s’identifier à un genre sexuel. J’entends : homme ou femme. On est rendus là, à se questionner, semble-t-il, sur le spectre des genres sexuels et des affinités. C’est-à-dire : une fille qui naît dans un corps de gars. Et qui veut être une fille. Premier casting. Ensuite, un gars qui naît dans un corps de fille et qui veut être un gars. Deuxième casting. Vous me suivez? Et tout ça, c’est indépendamment de l’orientation sexuelle au final. Ouf!
La vedette Bruce Springsteen a même annulé un concert en Caroline du Nord pour dénoncer la loi HB2 récemment promulguée dans l’État du sud-est des États-Unis et jugée discriminatoire envers les personnes transgenres. Une loi antitransgenres? Vraiment? Non, mais ils sont vraiment malades les Américains!
Outre le fait que la loi de cet État n’a pas d’allure, je trouve que la ségrégation des genres est une piste tout aussi dangereuse. C’est à mon avis un autre accommodement (dé)raisonnable qui vise plus à discriminer l’autre qu’à respecter la différence. Je ne sais pas si nos gouvernements y avaient pensé avant de lancer sur la place publique un débat qui, de toute évidence, ne fait pas l’unanimité.
Pourtant, les toilettes dans les avions et les trains ne font pas la différence des sexes, voire des religions. Bizarrement, il n’y a personne qui chiale et tout le monde pisse dans la même toilette, et ce, que tu sois jaune, noir, blanc, voilé, gai, transgenre, homme ou femme!
Vous ne trouvez pas qu’on a l’art de complexifier les choses? De s’enfarger dans les fleurs du tapis comme dirait l’autre?
La société change. Je crois sincèrement que la génération de nos enfants sera plus tolérante et plus ouverte que nous. On a d’ailleurs juste à essayer de suivre leur sexualité complètement débridée pour se sentir vieux tout à coup! Ils ne se définissent plus dans nos standards du couple hétérosexuel. C’est fini ce temps-là. Aujourd’hui, on revendique le droit de vivre sa vérité! Sa sexualité! Et celles-ci dépendent du moment. Du chemin. Et ça n’a pas d’importance, que ce soit avec un homme ou une femme. Aujourd’hui, on tombe en amour avec l’autre. L’être humain.
C’tu pas beau ça?! Bon, j’avoue que ça décoiffe un peu. Mais c’est la réalité. Mon fils de 15 ans m’a dit qu’il y a un nombre affolant (ça, c’est moi qui le dis) de bi (bisexuels) en secondaire 4 et 5 de son école. Que tout ce beau monde-là s’affiche et s’aime librement. C’est in paraît-il! Même chose pour l’habillement; c’est in d’être androgyne, soit d’être ni femme ni homme, juste « être ». Bon c’est un genre, je l’avoue, mais que voulez-vous qu’on fasse?!
Hey, je repensais à ça, moi le boute du boute quand j’étais ado, c’était d’avoir un ami gai. Là, toi, chose, t’étais quelqu’un!! Pis quand tu étais ben, ben marginal, ben t’étais skinhead ou quelque chose du genre. Jamais il ne nous serait passé par l’idée de nous définir par notre sexualité. On s’entend-tu pour dire que les temps ont changé?!
On ne sait peut-être pas trop ce que ça va donner tout ça, mais bon, l’histoire a déjà vu pire.
Alors, je me dis : pourquoi essayer de catégoriser davantage les genres quand la génération de nos enfants n’en a rien à foutre de nos préjugés, de savoir si tu as un pénis dans tes pantalons ou un vagin.
À vouloir accommoder, ne finit-on pas par stigmatiser?
L’important, selon eux, c’est la liberté du choix. Et d’avoir les couilles de vivre sa propre identité, sa propre liberté, n’en déplaise à nous les vieux! 🙂
J’ai beau avoir pris un coup de vieux, y a une chose qui ne change pas : les tounes qui nous ont fait tripper dans le temps se retrouvent aujourd’hui sur la playlist de nos kids. Comme ce refrain de la chanson Le 3e sexe d’Indochine, datant de 1985, mais frappant d’actualité :
On se prend la main (x2)
Et on se prend la main (x2)
Des garçons au féminin
Des filles au masculin.