Le dernier des Mohicans
Par Josée Pilotte
17 ans. Même pas encore l’âge légal pour rentrer dans les bars. Tu parles d’un chiffre plate à célébrer me direz-vous. Mais chez Accès on calcule ça comme en vie de chien, on a donc 119 ans, vous comprenez? On fête ça une année à la fois, avec fierté et passion d’avoir franchi le cap d’une autre année.
La «Passion», mot qui synthétiserait le journal Accès depuis les 17 dernières années. Il en faut pour survivre dans ce chaos médiatique. Mais nous avons encore la flamme d’y croire et on y croit fermement en vous offrant chaque semaine un peu de ce que nous sommes, en laissant au travers de ces pages, transpirer un peu de nos valeurs personnelles qui je crois vous ressemblent aussi.
Accès c’est vous, c’est nous, c’est moi. Accès c’est le dernier des Mohicans de la presse hebdomadaire indépendante au Québec. C’est notre liberté d’expression qui est sans cesse fragilisée un peu plus avec les années qui passent.
Cette menace se fait à coup de kalachnikov, de guerre commerciale; la deuxième est plus insidieuse car c’est moins spectaculaire, mais le résultat est le même au bout du compte: la disparition de la diversité de la presse.
Et juste pour ça, Accès mérite de se péter les bretelles un peu.
Quelle belle surprise que nous avons eu en apprenant que nous serons le sujet d’un documentaire diffusé à la télévision dans quelque mois. Nous? Accès? C’est flatteur voire même un peu gênant d’avoir le spot light sur la tronche. Faut croire que Louise Leroux la réalisatrice a vu en nous et en notre journal une belle histoire à raconter et qui valait la peine d’en faire un film. Je vous en reparlerai de toute façon, je crois que j’aurai tout plein d’anecdotes à vous raconter à ce sujet, vous me connaissez?
Alors, est-ce bien nécessaire de célébrer année après année, une entreprise, de souligner son anniversaire comme on le fait ici? Si certains pourraient penser que j’ai le regard biaisé parce que j’ai trop le nez dedans, sachez qu’il n’en est rien. Je pense au contraire qu’Accès représente la situation des hebdos régionaux. Et c’est une situation précaire.
Nos régions ont besoin de lumière, de faire parler d’elles, d’exprimer leur identité propre. Et bien humblement sans les journaux régionaux, on va passer sous le radar sauf quand il y aura des mauvaises nouvelles.
Et pourquoi diable ne célèbrerait-on pas, voulez-vous bien me le dire?
«Tu veux que je te dise quoi Josée: bon 17e? Et tu me demanderas de te souhaiter bon 18e et ainsi de suite jusqu’ ad vitam æternam?» Oh que oui, ce n’est pas tous les jours qu’on a 119 ans monsieur chose! À chaque année, c’est une petite victoire.
Un journal, ça vit, ça a une âme. Ça n’est pas statique, ni figé dans le temps. Et surtout loin d’être acquis. Et pensez-y dans 50 ans ce qu’il restera de nous? Car si l’Histoire avec un grand «H» est dans les livres, où se trouvera la vôtre, celle de nos communautés, de nos régions? Nous sommes les écrivains de l’histoire avec un petit «h». Vous en faites partie. J’en fais partie. Et nous faisons œuvre de mémoire, à chaque semaine.
La prendre pour acquis, la sous-estimer pour au final la laisser crever, est en quelque sorte un génocide de notre propre patrimoine, de notre propre identité. Alors demandez-moi si je suis gênée de célébrer notre existence à chaque année, depuis toutes ces années. Avec un pays et un peuple qui ont comme devise «Je me souviens», et qui souffrent d’une profonde amnésie collective.
Les actions des hommes ne se résumeront pas à un coup de pelle ou une plaque commémorative sur un édifice quelconque. Il prendra tout son sens à travers les pages de notre journal, pour laisser une empreinte de notre passage.
Alors voilà… C’est ça qui est ça!
Merci à toi cher lecteur, c’est pour toi qu’on existe.
Merci à ma fidèle équipe qui embarque dans toutes nos folies. Merci d’y croire. Vous avez Accès tatoué sur le cœur et vous faites la différence!
Et toi, Accès
Je te souhaite du fond du cœur d’avoir l’audace de voir autrement. Toujours. De travailler dans la conscience pour que jamais tu ne t’éloignes de tes valeurs qui te sont chères. Reste indépendant et fier et permet-toi de douter. Car c’est dans le doute qu’on se questionne. Et c’est dans le questionnement qu’on évolue et qu’on devient meilleur.
Et pour paraphraser une amie proche qui a pris la pleine mesure de la fragilité d’exister… «Quand la peur se dresse devant toi.
Dans toute sa splendeur et qu’elle te fait courber l’échine
Redresse-toi, regarde-là droit dans les yeux. Elle s’inclinera tel un sujet devant son roi.»
Josée xxx