Le froid est une vue de l’esprit!
Par Josée Pilotte
J’en ai marre.
De cet hiver, de ce froid surtout. Je dois faire de la gymnastique mentale tous les jours: conditionner mon cerveau à voir le beau, que le beau. Gober un surplus de vitamine A, B, C, D, bref toutes les lettres de l’alphabet, histoire de me convaincre que je passerai mieux au travers de ce maudit hiver.
Boire du jus de carotte en quantité industrielle pour enrailler mon teint terne et gris. Faire de la méditation assise en lotus, parfois sur la tête, même si mon corps me crie à l’aide.
Inspirer, expirer par le nez. Toujours. Visualiser le printemps qui s’en vient. Entendre les oiseaux qui piaillent. Sentir l’odeur qui émane des tous premiers bourgeons dans les arbres. Visualiser mes pieds sans bottes d’hiver, ma face sans cagoule… Bref: toute cette gymnastique pour ne pas céder à la déprime hivernale.
Les éternels positifs m’énervent en plus. Vous savez les purs et durs, les éternels satisfaits de tout et de rien, comme si rien n’avait d’emprise sur eux, pas même ce froid sibérien qui perdure depuis des semaines.
Je suis certaine que vous en avez au moins un dans votre entourage. Vous savez, celui-là même qui a le bonheur facile et le sourire accroché dans la face 365 jours par année?
Ah!, je savais que vous en connaissiez un, vous aussi.
Tout le monde le sait. Nos pensées sont le reflet de notre état d’âme.
Quand on tient des propos négatifs, on a de forte chance de créer une réalité négative des évènements qui nous arrivent ou que l’on subit. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est tous les livres de croissance personnelle qui en parlent allègrement. Le «Happiness» est très à la mode de nos jours.
Mais. J’essaye, je vous jure. Sauf que c’est plus fort que moi, l’hiver me fait sacrer. Et “messemble” que c’est de pire en pire en plus. Je m’enfonce de jour en jour tel un Titanic dans les eaux glacées de l’Atlantique.
Okay, j’exagère peut-être un peu.
Une vraie chance que je fais du sport. Le SPORT : l’antidépresseur légal par excellence pour maintenir à flot la sérotonine, l’hormone du bonheur. Thank’s god!
Pas besoin de vous dire que je mets les bouchées doubles par les temps qui courent pour maintenir à niveau «mon bonheur». Je ne vous mentirai pas en vous disant que je dois me parler très fort quand il est question de chausser mes skis de fond à – 40. Mais comme j’ai la chance d’avoir des éternels optimistes parmi mes amis, je n’ai guère le choix d’enfiler mes multicouches, mes «hot shots», ma crème pour pis de vache dans ma face et d’arborer mon plus beau sourire pour aller jouer dehors.
Rassurez-moi, c’tu une affaire de vieux de toujours avoir frette? C’tu une affaire de vieux de ne plus avoir le goût de se les geler? Suis-je devenue une vraie chouchoune qui préfère regarder l’hiver passer bien emmitouflée dans une doudou les deux pieds au chaud sur le bord du feu de foyer?
Parce que les éternels optimistes-amis vous diront que c’est plutôt entre les deux oreilles que ça se passe. Il ne fait pas frette pantoute. Juste un petit peu frette. Pour eux, le froid est une vue de l’esprit. Le syndrome du verre à moitié plein ou à moitié vide (ou à moitié gelé diront les plus cyniques). Et pour être certain que tu comprennes bien le message, l’optimiste-ami-Pascal te remet dans la face Ô combien tu es une pauvre petite chouchoune de bouder ainsi les-joies-de-l’hiverrrr!!!
Alors vous savez ce qu’il fait l’optimiste-ami? Et bien à chaque maudit samedi et dimanche que le bon Dieu amène, il te texte sa bonne humeur, son enthousiasme: « Okay, arrête de procrastiner Jo, diguédine, on part en ski à midi! Il fait beau, la vie est belle, tu t’en rendras même pas compte qu’il fait froid!!!» (car pour lui il ne fait pas frette, il fait juste froid). Ah ouais, han?! Pourtant le thermomètre lui, affiche -25oC…
Non mais, je vous l’avais-tu dit, qu’il m’é-nar-vait?!!!
Le pire, c’est que j’ai beau chialer, j’y vais pareil – parfois de reculons – mais j’y vais quand même. Et vous savez quoi? Le merveilleux nous surprend toujours. Des kilomètres et des kilomètres de pur bonheur. Une blancheur d’une virginité qu’on a presque le goût de garder pour soi tellement le merveilleux est beau. La forêt a quelque chose de magique, assez en tout cas pour nous faire oublier la rudesse de l’hiver. Assez pour nous remplir de gratitude d’exister dans le silence sourd du froid.
Et puis il y a les amis (vous savez, les éternels optimistes). Il y a ces sourires de bonheur que même le froid ne réussit pas à figer.
«Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver», comme dit la chanson de Vigneault. L’hiver c’est ce qui nous distingue. On a beau avoir un rapport amour-haine avec lui, pourtant, il n’y a rien de plus beau qu’un ciel d’un bleu intense. Et des jours qui rallongent pour se rappeler que la vie est un cycle et qu’après l’hiver viendra le printemps.
(…)
Alors dansons!