Le monde est fou
Par Josée Pilotte
Qui aurait pu dire un jour que l’on verrait des hommes de chez nous se convertir à l’islamisme radical et faire la guerre au nom d’Allah?
Tel était pourtant le destin de ces deux terroristes, nés au Canada – même que l’un deux était un Québécois pure laine – devenus des étrangers qui ne se reconnaissent plus dans les valeurs de leur propre pays.
Comme mère, j’ai beaucoup de difficulté à concevoir que l’un de nos enfants qui a été élevé dans l’amour, dans des bonnes valeurs, qui est allé à l’école, qui a des amis, puisse du jour au lendemain se radicaliser au point de poser un acte terroriste et d’accepter d’y laisser sa vie. Ne trouvez-vous pas cela d’autant plus étonnant que nous vivons dans une société tellement individualiste que la notion même de sacrifice ne fait plus partie de nos valeurs? J’exagère peut- être un peu, ok. Mais le fait est qu’ils ont commis cet acte en sachant qu’ils allaient y laisser leur peau. Difficile d’imaginer et de comprendre que notre société puisse engendrer de tels kamikazes, prêts à défendre des idéologies qui nous dépassent totalement. D’où la question de la motivation qui les a animés, au-delà de leurs problèmes personnels, psychologiques, de leurs failles quoi!
Ça vous dépasse pas de savoir qu’il y a des individus qui vivent dans un pays libre, où il n’y a pas de bataille ni de grands enjeux à défendre, et qui endossent une cause qui semble tellement loin de notre réalité?
En regardant le bulletin de nouvelles la semaine dernière, j’ai été estomaquée en voyant cette jeune femme interviewée sur ce qu’elle aurait vu et entendu lors de la fusillade autour du Parlement d’Ottawa. En fait, ce n’est pas tant elle que toute la scène qui se jouait autour d’elle qui était surréaliste. Car pendant qu’elle nous parlait, on voyait par dessus son épaule tous ces gens, les yeux rivés à leur écran de téléphone intelligent en train de texter comme des malades.
Mais le plus invraisemblable c’est que pendant qu’elle décrivait ce qu’elle avait vécu, on voyait «live» en arrière-plan les passants qui essayaient tant bien que mal, de maintenir le jeune soldat touché mortellement.
On assistait à un moment où la nouvelle allait plus vite que la réalité, où les réseaux sociaux spinnaient en malade, pendant que des hommes lâchaient leur dernier souffle. Et on sentait toute cette fébrilité, à travers le prisme de la télé, des réseaux sociaux.
Au fond n’était-ce pas le théâtre d’une réalité qui est maintenant la nôtre? L’instantanéité qu’offre les médias sociaux et qui nous empêche de prendre un certain recul sur les événements. C’est un phénomène qui ne fait qu’alimenter le feu de la peur, de la crainte, sans rien rationnaliser. Une instantanéité qui nous empêche d’avoir du recul et de prendre le temps d’analyser les évènements. Pour comprendre, pour donner du sens à ce qui a priori n’en a pas.
Car la véritable question face à ces événements serait la suivante: c’est quoi le sens à tout ça? Certains vont dire que ça n’a aucun sens. D’autres diront que c’est l’œuvre de fous illuminés, des fous idéologiques, des fous de Dieu ou des fous tout court.
Mais la réalité, elle, veut-on vraiment la voir?
Ces deux fous de chez nous, ont posé des gestes insensés, incompréhensibles, au nom d’Allah. Mais leurs gestes ne nous renvoient-ils pas à nos propres failles, à celles de notre société qui n’a pas su les rattraper? Tout ça dans un monde qui tourne à 140 caractères.