Le Secret

Par Josée Pilotte

Je vous dis un secret: on a un rituel chez Accès. Je vous préviens ne riez pas, c’est sérieux… et puis Walmart le fait bien, alors pourquoi pas nous?!

Donc toujours est-il que chez Accès après chaque réunion hebdomadaire on fait la «prière»… et ce n’est pas le Notre Père! Pas question ici de vous en dévoiler la teneur, ça risquerait de briser la magie et surtout de donner des armes à nos concurrents. Je sais, ça peut sembler un peu fou sur les bords, mais comme la folie frise le génie, ben…

Je fais cette confidence pour mettre la table à un malaise que j’ai. Pas avec notre prière mais avec une rencontre que j’ai faite. Je vous explique: beaucoup de gens viennent au journal nous raconter leur histoire. Des histoires de toutes sortes. Quelques-uns, plus rares, nous livrent leur âme.

Elle est arrivée un matin d’hiver de début d’année, accompagnée de sa mère, la trentaine et la cinquantaine. L’image que je m’étais faite d’elle quelques semaines plus tôt au téléphone correspondait à la jeune femme qui était assise en face de moi: pétillante, volubile, allumée, belle…

Elle me raconte son histoire et son âme. Tout commence par une sensation de mal être, le besoin de chercher à l’intérieur de soi, le désir de trouver, de se trouver. Elle a cru finalement trouver ici, à Saint-Sauveur. Faut dire que les Laurentides sont une «Terre promise» en matière de croissance personnelle. Oui, comme plusieurs, elle a trouvé sa «gourounne» à Saint-Sauveur. Elle voulait se trouver. Elle s’est perdue. Et a perdu aussi un peu de sa dignité.

Car comme dans de nombreuses thérapies, il lui a fallu accepter d’aliéner une part d’elle-même, faire confiance à son «Guide», s’abandonner; il se trouve que celui-ci a abusé de son pouvoir sur elle. Une claque dans la face au sens littéral et littéraire.

Banal me direz-vous? Oui et c’est justement ce qui rend l’histoire encore plus triste. Nous sommes tous à la recherche du bonheur, on veut tous mieux se comprendre. On a tous nos fêlures à réparer. Je ne veux pas juger les béquilles dont nous avons besoin un jour ou l’autre. Mais je trouve que la multiplication des thérapeutes en tout genre à qui l’on a fait croire qu’après quelques formations et plusieurs milliers de dollars ils pourraient s’élever au rang des nouveaux prêtres et bâtir leurs nouvelles chapelles, cette multiplication-là, sans garde-fous, je la trouve dangereuse.

C’est pour dénoncer ça qu’elle a choisi de briser le silence dans mon bureau, et pour mettre en garde ceux et celles qui seraient tenté(e)s de suivre ses traces.

De tout temps l’Homme a cherché des remèdes à ses maux. De tout temps l’Homme s’en est remis à des guérisseurs, à des sorciers, à des chamanes, des prêtres, des directeurs de conscience, maintenant des «coachs de vie»; des présidents ont consulté des voyantes, des médecins se sont suicidés avec l’OTS et des avocats s’envoient en l’air avec Raël.

Comment juger, et surtout de quel droit? Si l’on ne peut condamner ceux qui souffrent et qui cherchent un remède, on peut certainement dénoncer ceux qui abusent de cette détresse, ceux qui créent à la fin plus de larmes qu’ils n’en assèchent. Les siennes, dans mon bureau, m’ont fait réfléchir…

Combien il est difficile de traiter d’un tel sujet puisqu’il est aussi intime qu’il est populaire, aussi actuel qu’il est controversé.

Et l’exercice est d’autant plus périlleux qu’il peut être tentant de mettre dans le même panier une thérapie qui consiste à se-faire-cuire-pour-revenir-à-la-vie et le fait d’embrasser un arbre pour mieux se grounder; non, on ne peut pas mettre dans le même panier une «gourounne» qui gifle une jeune femme qui assiste à son cours de croissance personnelle et la gang de fous d’un journal qui cultivent chaque semaine la pensé positive.

Mon Dieu, T’es où?!

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *