Maudite communiste idéaliste!

Par Josée Pilotte

Discussion de bureau. Aux lendemains des élections municipales, jasette entre Josée

Pilotte, éditrice du journal Accès et Thomas Gallenne, rédacteur en chef.

Thomas Gallenne – Josée, ne trouves-tu pas qu’il y aurait un parallèle à faire entre la Une de cette semaine sur l’achat local et les élections municipales, à savoir que tout le monde est pour la vertu, mais quand vient le temps de l’appliquer, il n’y a plus personne? Avec les premiers taux de participation qu’on a pu observer, (qui oscillent encore autour de 45%), on peut parler de déficit démocratique, tu ne trouves pas?

Josée Pilotte – Oui, et comme les élections, l’achat local émane d’une conscience collective. On pense qu’on en a une, mais au final, on n’en a pas. Ça revient à la notion qu’on a tous le droit de chialer, on chiale mais on ne va pas voter. Et pour l’achat local, on voudrait des commerces en santé, mais finalement on préfère aller magasiner chez Wal-Mart. Dans le fond, c’est les bottines qui suivent jamais nos babines. Mais, tu sais quoi Tom, j’trouve surtout qu’on radote!

TG – Peut-être, mais ce que je retiens de ce que tu dis, c’est le terme collectif. Ça fait écho à notre Une de la semaine dernière où on se questionnait sur notre rapport aux espaces collectifs. Et je pense que c’est aussi une question d’éducation. J’ai l’impression que la société québécoise a mis l’emphase sur le développement de l’individu en évacuant la dimension collective, en évacuant le fait que l’on fait tous partie d’un tout…

JP – Ça me fait penser et ça m’a toujours impressionné – touché même – de voir toutes les grandes places, de sentir un esprit collectif en Europe. En Turquie, en Grèce, en France, en Espagne, de voir les vieux souvent assis sur la place, en train de boire un café, avec les jeunes qui jouent autour… Tu les entends gueuler, faire quelque chose, tu sens la vie quoi! C’est sûr que l’on vit dans un pays nordique, un peu plus renfermé, mais nos villages, nos villes ne se sont pas construits autour de cet espace public et commun. Au fond, on n’a pas d’espace commun, on vit dans des communautés certes, mais des communautés individualistes, ce qui est plutôt dichotomique, tu ne trouves pas?

TG – Pendant que tu me parlais, cela m’évoquait deux lieux de vie que je connais: le Plateau-Mont-Royal et Val-David. L’un en ville, l’autre en campagne. Mais aux deux endroits, on sent une vie de quartier, une vie communautaire. Tu connais tes voisins. Je n’ai jamais aussi peu connu mes voisins que depuis que je vis dans le nord…

JP – C’est tellement vrai Thomas. Je suis restée pendant 15 ans sur le chemin des Hirondelles à Morin-Heights, et je ne connaissais pas mes voisins! C’est grave là!

TG – J’ai parlé la semaine dernière à un résident de Val-David qui a choisi de s’y établir pour sa vie de village, sa vie communautaire. Il me semble que c’est une communauté qui s’est mobilisée face à des enjeux collectifs. Ailleurs, plus souvent qu’autrement, je remarque que c’est le syndrome NYMBY (pas dans ma cour) qui fait réagir plus promptement les gens.

JP – On a l’impression que les gens ne comprennent pas les enjeux…

J’ai un client que j’essayais de conscientiser sur le fait que l’on vit dans une communauté d’affaires et que c’est important de se soutenir… et qu’on fait des choix d’affaires selon nos valeurs…

J’ai une entreprise qui engage 15 personnes, c’est pas rien. Y’a des familles à nourrir en arrière de ça. J’essaie de conscientiser et je me suis fait répondre: «Josée, Josée, Josée… mon  »engagée » – à moins qu’il m’ait traitée d’enragée –c’est bien beau, mais moi, j’ai décidé que je tirais la plogue sur tout le battage médiatique, la politique, les histoires d’horreur…, bref que je faisais ma petite affaire», qu’il m’a répondu.

Et bien, dans l’absolu c’est beau, mais dans la vraie vie, on peut pas bâtir une société sur des valeurs uniquement individualistes et de profit. C’est ce que je crois!

C’est pas des farces: je raccompagnais l’ami de mon fils de 13 ans et en sortant de l’auto, je lui ai crié de rappeler à ses parents d’aller voter. Mon chum m’a regardé l’air de dire: «Elle est complètement folle!»…

Dans le fond, je me demande: «Est-ce qu’on est des idéalistes? Est-ce que c’est ça travailler à éveiller les consciences? C’est-tu exagéré de penser ça?»

TG – «Josée, je pense juste que tu es une maudite communiste, collectiviste…» (Sourire).

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