Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle?

Par Josée Pilotte

De tous temps l’âge des femmes est objet de spéculations, d’indiscrétions coquines autant que de mystères coquets.

Malgré le féminisme, la tendance s’est accentuée, virant souvent à l’obsession et entraînant maintes dérives du marché de la Beauté – donc de la Jeunesse: entraîneurs privés, Dr Botox, l’appel insistant du scalpel, crèmes au caviar. – Depuis que le monde est monde en fait, la femme fait une grande fixation sur l’image que lui renvoie son miroir. 

Dans ma jeunesse mon miroir me renvoyait l’image d’une jeune fille trop maigre, trop grande, aux seins trop petits.

Parfois il me renvoyait même l’image d’être de trop…

Et là encore, après toutes ces années d’acceptation de soi, je m’entends poser de temps à autre à Chéri La-Question-qui-tue: «Chéri, trouves-tu que j’ai engraissé???….»

On s’en sortira donc jamais?! 

 Depuis que le monde est monde la femme semble porter en elle l’obsession de plaire. C’est viscéral, c’est plus fort que nous, c’est plus fort que tout.

Je me rappelle l’adolescence, lorsqu’on se préparait pour aller au Québec Électrique… je me rappelle le rituel des jeans stretch… hey! c’est pas des farces, je me couchais sur mon lit avec ma fourchette pour enfiler de peine et misère mon jeans, je priais le Bon dieu pour que le zip tienne le coup toute la soirée! 

Je me rappelle aussi nos arrêts aux toilettes de la station d’essence Sunoco du coin: on s’y rendait en cachette pour mettre un peu de mascara et de rose sur nos joues, nos lèvres. Sur nos journées et nos soirées.

On avait 14 ans. On était jeunes. On était belles…

Oui!, l’obsession de la beauté fait partie de nos mœurs, mais je trouve qu’à notre époque elle prend un tout autre visage. Plus jeune. Trop jeune. Indécent, oui, de cette indécence qui dérange profondément, intimement. Une indécence propulsée ces jours-ci en partie par le centre d’achats le plus populaire, de la Californie jusqu’à Sainte-Agathe-des-Monts…

J’vous le dis, j’ai peur pour la fille que je n’ai pas eue, quand j’entends des nouvelles comme celles-ci: Walmart vendra désormais des gammes de cosmétiques pour les enfants de 8 à 12 ans. Soixante-neuf produits. Du rouge à lèvre au blush, en passant par le mascara et la crème «anti-âge»… De la crème anti-âge à 8 ans… Oui, tout ça pour que la peau de nos gamines de 8 ans ne vieillisse pas. Non mais on est-tu assez malades?!

Alors aujourd’hui, on leur dit quoi, à nos petites filles, quand elles te montrent un g-string dans la vitrine de La Senza-Girl ? À 8 ans.

On leur dira quoi quand, entre les boîtes de Captain’Crunch du panier à épicerie, elles glisseront leur blush qu’elles auront choisi assorti à leur eye-liner dans un rayon de Walmart ? 

À 6 ans.

Oui, on leur dira quoi, quand de toute façon, les interdits sont de plus en plus repoussés?… On leur dira quoi, quand de toute façon, les tabous de notre société volent presque tous en éclats ?…

Les femmes ont quitté leurs chaudrons, mais pas leur miroir. Elles ont brûlé leurs brassières, mais achètent des g-string à leur p’tite fille; elles ont jeté Barbie aux ordures, mais l’ont réincarnée dans leur progéniture qu’elles affichent fièrement sur Facebook… N’est-ce pas une façon de voler un peu de leur innocence à nos filles?

Avant elles lisaient «Martine à la plage».

Demain, «Martine à la clinique de chirurgie esthétique» fera fureur.

La décision de Walmart nous renvoie au visage (et à celui de nos enfants) la fameuse pick-up line publicitaire de Bill Gates pour Microsoft: «Jusqu’où irez-vous?»

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